No catalogue 020008
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
Droits : Réservés
Un Tour au Champ de Mars
Un Tour au Champ de Mars
Guiguet. On dirait un merle (Bruant) / Cottet. Les trois parques / Giron. Le bébé indiscret / Berton. Beauté fin de siècle / Mathey. Autre beauté fin de siècle / Dagnaux. Laquelle choisir! / Burnand. L'averse de la Mi-carême
Autonome
Ce commentaire est repris – avec quelques modifications – de l’ouvrage Félix Vallotton. Critique d’art (Koella et Poletti, 2012, pp. 115-118).
Les deux Salons caricaturaux de Vallotton parus dans Le Rire sont les seuls dessins qu’il ait fait dans ce genre (voir celui consacré au Salon des Champs-Elysées). Tandis que la mode de la caricature se propage dans la presse durant le Second Empire et la troisième République, les Salons caricaturaux ou Salons comiques connaissent eux aussi une vogue croissante. Parmi les caricatures de la vie parisienne, le Salon reçoit une attention toute particulière, avec des images satiriques des différents acteur·trice·s de la vie artistique : jury, public, critiques, artistes. Les premiers Salons comiques, parodies des livrets de l’exposition, apparaissent vers 1840 et contribuent à la désacralisation du tableau. Ce type de compte rendu satirique se distingue néanmoins radicalement de la critique d’art traditionnelle : alors que le chroniqueur artistique est libre d’opter entre discours élogieux ou réprobateur, le caricaturiste est lui contraint à la raillerie imposée par le genre. De sa part toutefois, le fait de tourner une œuvre en ridicule n’équivaut pas à un jugement esthétique. Dans ses deux Salons caricaturaux, Vallotton n’épingle d’ailleurs pas des œuvres qu’il commente dans ses critiques des deux expositions publiées dans la Gazette de Lausanne (F.V. [Félix Vallotton], « Beaux-Arts. Le Salon du Champ-de-Mars » et « Beaux-Arts. Le Salon des Champs-Elysées », Gazette de Lausanne, 2 mai 1895 et 16 mai 1895, repris in Koella et Poletti, 2012, pp. 108-114).
Sous la casquette du caricaturiste, Vallotton s’attaque au sujet de la scène représentée par le peintre ou à la situation qu’elle suggère. Ses dessins sont des parodies d’œuvres sérieuses, obtenues par l’exagération de détails caractéristiques, le recours à la déformation et à d’audacieuses distorsions. Ils ne visent pas à singer un style pictural, mais à tourner en dérision le contenu de l’œuvre, c’est-à-dire le contexte, les figures et le propos. Reste que l’impact satirique et ludique des vignettes dont sont composées les deux caricatures est redevable pour beaucoup au rapport parodique entre visible et lisible, entre le dessin et sa légende. Comprenant le nom de l’auteur du tableau et un titre inventé par Vallotton, celle-ci se fonde sur le glissement de sens et l’association d’idées pour former une métaphore verbale dont le dessin est l’illustration.
Les tableaux caricaturés, sauf deux (celui d’Armand Berton et celui d’Eugène Burnand), sont reproduits dans le catalogue illustré du Salon du Champ-de-Mars. Il s’agit des sept œuvres suivantes : François Guiguet, Concert du printemps / « Guiguet. On dirait un merle (Bruant) » ; Charles Cottet, Deuil (au pays de la mer) / « Cottet. Les trois parques » ; Charles Giron, Sous les châtaigniers / « Giron. Le bébé indiscret » / un tableau d’Armand Berton (sept œuvres d’Armand Berton sont exposées, non reproduites dans le catalogue illustré) / « Berton. Beauté fin de siècle » ; Paul Mathey, Portrait de Monseigneur le duc d’Orléans / « Mathey. Autre beauté fin de siècle » ; Albert Dagnaux, L’Âne / « Dagnaux. Laquelle choisir ! ». Intitulée « Burnand. L’averse de la Mi-carême », la dernière vignette de la feuille malmène La fuite de Charles le Téméraire d’Eugène Burnand (1894-1895, huile sur toile, 320 x 540 cm, Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne), un compatriote que Vallotton tient en piètre estime. Il raille la composition statique de la toile et tout particulièrement les deux chiens au premier plan pour leur disposition flottante dans l’espace. Quant aux verticales constituées par les troncs d’arbres à l’arrière-plan, il les travestit en averse schématisée, traduction graphique du terme choisi pour la légende. Le titre se ligue ainsi à l’image, celle de la cavalcade de la mi-carême, fameuse attraction du carnaval de Paris, pour moquer le sérieux du sujet représenté par Burnand – la fuite de Charles le Téméraire après sa défaite à la bataille de Morat, en 1476 – un haut fait de l’histoire suisse.
Vallotton a réalisé un premier dessin monogrammé (fig. A), abandonné au profit d’un second dessin, non monogrammé (fig. B), tout comme le dessin relatif au Salon des Champs-Elysées (fig. A). La présence du monogramme dans une seule des vignettes pour l’ensemble l’a peut-être gêné. À défaut d’être monogrammés, les dessins définitifs pour ces deux Salons caricaturaux sont titrés et signés au crayon de la main de l’artiste.
Garnier
Non monogrammé
Garnier Sc
Dessin de F. Vallotton
1895LRZ257
«Salon du Champ de Mars. dessin p Ie Rire»
1895
«Salon Champ de Mars. dessin p le Rire 40»
Thierry Chabanne, Les salons caricaturaux, cat. exp., Paris, Réunion des musées nationaux (Les dossiers du Musée d'Orsay 41), 1990
Denys Riout, «Les Salons comiques», Romantisme, no 75, 1992, pp. 51–62
Félix Vallotton. Critique d'art, 2012, pp. 115–118