No catalogue 026001
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
Droits : Réservés
Que les chiens sont heureux!
Que les chiens sont heureux!
– Que les chiens sont heureux!...
En relation avec le texte éponyme (commentaire de Jules Renard)
Que les chiens sont heureux ! est paru à la une du deuxième numéro de Nib, constitué de « Dessins de Félix Vallotton commentés par Jules Renard ». Comme Henri de Toulouse-Lautrec pour la première livraison et Pierre Bonnard pour la troisième, Vallotton, qui a la charge de ce numéro de l’éphémère supplément de La Revue blanche, a aussi dessiné les lettres du titre « Nib ».
Son illustration montre quatre badauds, à gauche, qui se régalent d’une scène hors-champ dont un groupe composé de bourgeois et de curés, à droite, se détourne ostensiblement. Vallotton avec son dessin, tout comme Jules Renard avec sa légende – « Que les chiens sont heureux ! » – procèdent par suggestion, le sujet principal du propos étant invisible.
Ce dessin a déjà été commenté en 1896 par le poète suédois Ola Hansson : « ‹ Que les chiens sont heureux › est par exemple un chef-d’œuvre de la gauloiserie la plus authentique, la plus hardie, la plus gracieuse. On ne voit pas directement ce que font ces heureux chiens, car les animaux n’apparaissent pas sur l’image, mais on le voit par l’intermédiaire des personnages représentés sur le dessin : la jeune fille, qui, curieuse et effrayée, n’y comprend naturellement rien ; les vieilles filles qui vont aigrement leur chemin immuable, les moines [sic], leur chapeau enfoncé sur les yeux, le gros boucher surtout, avec son sympathique sourire de clair de lune, qui observe la scène avec intérêt, et le gavroche qui, pris d’un enthousiasme dionysien, applaudit au spectacle » (Hansson, 1896, p. 44, traduction française tirée de Documents, vol. I, p. 273).
Pour une interprétation plus approfondie de ce dessin, nous nous en remettons à l’analyse fine qu’en font Evanghelia Stead et Hélène Védrine : « Nib est fondamentalement tourné vers l’espace public, regardant hors de ses propres pages, comme le montre la ‹ couverture › du premier par Toulouse-Lautrec (fig.) : un photographe amateur tourne son appareil vers… rien, ou peut-être, comme l’indique son regard malicieux qui accroche le lecteur, vers une baigneuse hors champ. De même, un dessin de Vallotton dans le deuxième Nib ne représente… rien de la scène fondamentale qui se déroule hors de la page : ‹ Que les chiens sont heureux… ›, c’est ainsi que les personnages commentent un accouplement canin en référence à un poème érotique de Théophile Gautier*, ces deux hors-champ (celui de l’image et celui du texte) entachant par rebond la réputation des deux prêtres placés au premier plan. Nib prend donc pour cible critique l’espace extérieur, et les nouveaux lieux de sociabilité : la rue, avec les oppositions sociales clairement délimitées, les gens du peuple d’un côté, la bourgeoisie et le clergé de l’autre [...] *‹ Que les chiens sont heureux ! / Dans leur humeur badine / Ils se sucent la pine, / Ils s’enculent entr’eux ; / Que les chiens sont heureux ! ›, Théophile Gautier, ‹ Bonheur parfait › [titre sans doute apocryphe], recueilli pour la première fois dans Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle, Rome, A l’enseigne des sept péchés capitaux (Bruxelles, Poulet-Malassis, 1864), tome I, p. 138, repris dans Théophile Gautier, Lettres à la Présidente ; Poésies érotiques, éd. Thierry Savatier, Paris H. Champion, 2002, p. 160. » (Stead et Védrine, 2011, p. 475).
Que les chiens sont heureux ! a fait l’objet d’un tirage à part de même format que la reproduction dans Nib. Exposé du 10 mai au 10 juin 1895 à la Galerie Laffitte, dans la section « Publications de La Revue blanche », sous le numéro V (« Que les chiens sont heureux, par Vallotton »), l’exemplaire se vendait 5 francs. Signé et numéroté au crayon par l’artiste, il se distingue de la couverture du périodique et du dessin original (fig. A) par l’absence du titre « Nib ». Les pages d’annonces de La Revue blanche, notamment celles de la livraison du 15 décembre 1895, précisent à propos de ces publications artistiques : « Tirage à très petit nombre » ou encore « Tirage restreint, exemplaires numérotés ».
Que les chiens sont heureux ! est l’unique illustration de Vallotton parue dans Nib dont le dessin original est conservé (fig. A). Selon son Livre de comptes, Vallotton l’a vendu 60 francs à un M. Richard en 1895 (« dessin original du Nib ‹ que les chiens sont heureux ›, à M Richard 60 »).
non spécifié
Monogrammé en bas à droite
«Dessins de Félix Vallotton, commentés par Jules Renard» (page 2)
A. Félix Vallotton, dessin définitif pour Que les chiens sont heureux!, 1895, encre de Chine et crayon gris sur papier, 27,2 x 22,8 cm, Tokyo, Mitsubishi Ichigokan Museum
Crédit photographique : ____
Droits : ____
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Cette illustration a fait l'objet d'un tiré à part, de même format que la reproduction dans Nib, imprimé sur des feuilles de dimensions variables.