No catalogue 079000
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
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La Débâcle est la 21e planche de l’Album de lithographies des Temps nouveaux, publié le 17 novembre 1900. Il s’agit d’une lithographie de G. Berger, d’après un dessin de Vallotton. En lien avec l’Affaire Dreyfus, elle montre une justice qui enfin s’élève telle une aube rayonnante, laissant l’armée, l’Église et la magistrature à terre, dans un état d’effondrement total.
Conservées à l’Institut d’histoire sociale, ses lettres à Jean Grave (1854-1939), fondateur de l’hebdomadaire Les Temps nouveaux, renseignent sur la genèse de la participation de Vallotton au projet. Durant l’été 1899, il écrit à trois reprises au militant anarchiste depuis Étretat : « Il faudrait que vous me fassiez tenir les dimensions de votre album, et son objet, que je m’y conforme autant que possible. […] Dites-moi également dans quel délai devrait être fait le dessin […] ». Un peu plus tard, il ajoute : « Sitôt qu’il me poussera une idée je ferai le dessin et vous l’enverrai. […] J’espère donc bientôt pouvoir vous envoyer mon dessin […] ». Enfin, il annonce : « Je vous envoie ce jour un dessin pour votre série ; vous pourrez soit le faire graver comme vous m’en aviez parlé soit le reproduire directement ; mais le graver serait mieux et plus artistique. ». Puis, à une date inconnue, il se dit satisfait du résultat : « Je vous remercie de votre rouleau. Il me semble que le graveur n’a pas lieu d’être mécontent, je n’ai plus mon dessin très présent à l’esprit, mais tel que reproduit il me paraît bien et d’un bon effet. Vous pourrez lui dire toute ma satisfaction. »
Finalement, le 16 septembre 1899, on peut lire dans Les Temps nouveaux : « Nous avons reçu, pour notre album, un magnifique dessin de Vallotton, représentant l’effondrement des trois piliers sociaux. Ce dessin, destiné à être gravé, ne paraîtra que dans quelques semaines. »
Selon le principe du projet, cette première contribution de soutien à Jean Grave a été exécutée bénévolement par Vallotton, comme les suivantes d’ailleurs. Elle précède le dessin paru en couverture de L’Élection du maire de la commune par le nouveau conseil municipal en mars 1902 et celui, également gravé par G. Berger, publié en mai 1902 dans le livre Guerre-Militarisme. Aline Dardel relève que l’hebdomadaire Les Temps nouveaux « est en déficit perpétuel. Les recettes régulières (abonnements, ventes au numéro, souscriptions, ventes de brochures et de lithographies) ne suffisent pas » (Dardel, 1987, p. 10). Aussi Jean Grave tente-t-il de s’en sortir en éditant des lithographies, des cartes postales, des affiches et des albums..
Toujours selon Aline Dardel, « C’est dans une lettre de Jean Grave à Camille Pissarro, datée du 25 mars 1896, qu’est faite la première mention de l’album : ‹ Mon cher Pissarro, J’aurais l’intention de demander – à l’œil – aux artistes que nous connaissons, un dessin ou deux, de façon à former un album d’une trentaine de planches que l’on mettrait en vente au profit du journal. Mais cet album devrait être absolument artistique, et le tirage des planches très soigné ; comme on serait forcé de vendre chaque planche un peu cher, on ne ferait qu’un petit tirage pour que ça soit mieux soigné. Le dessin devrait par quelque côté que ce soit, avoir trait à l’idée, mais l’auteur aurait la liberté la plus complète pour le choix du sujet, et pour l’exécution qui pourrait être de la gravure, de la lithographie, eau-forte ou pointe-sèche. Il n’y aurait que le format qui devrait être unique. Que pensez-vous de mon idée ? Pourrait-on compter sur vous et vos fils ? Pourriez-vous me donner quelque conseil à ce sujet ? […] › » (Dardel, 1987, p. 18).
Il faudra six ans pour que le projet aboutisse : la première planche, de Maximilien Luce, sera publiée le 25 avril 1896 et la dernière, de Théophile Alexandre Steinlen, le 22 novembre 1902. L’album comprend trente planches au total – 29 lithographies et un bois d’interprétation – plus un frontispice d’Auguste Roubille lithographié en janvier 1903, sur lequel figurent les noms des artistes contributeurs.
Aline Dardel donne de précieuses informations sur le tirage : « La suite de l’album sera tirée à 250 exemplaires sur papier Hollande (Van Gelder), et à 20 exemplaires sur Chine collé. Il n’y aura pas de réédition. La vente se faisait à la feuille (1 franc le tirage ordinaire, 3 francs le tirage d’amateur), au fur et à mesure de la parution des planches. Dès le début, cependant, il fut mis de côté une cinquantaine d’exemplaires, destinés à être vendus sous cartonnage quand la collection serait complète. En 1903, les séries complètes seront vendues 75 ou 150 francs selon l’édition. » (Dardel, 1987, p. 20).
Le 30 avril 1904, la mise en vente d’« Une série de 12 cartes postales, gravées par Berger, d’après nos lithographies […] » est annoncée dans Les Temps nouveaux. Au nombre des douze cartes figure La Débâcle (fig. A), qui n’est pas une simple réduction photogravée de la lithographie, mais résulte d’un nouveau travail de gravure, aussi effectué par G. Berger. Elle diffère en effet de la lithographie sur plusieurs points : traitement du motif, monogramme, mention du titre, cadrage et ajout de la mention « Collection des ‹ Temps nouveax [sic] › 4, rue Broca ».
La lithographie mesure 23 x 29,7 cm
La feuille mesure 35,5 x 42,5 cm
G.B. sc.
Non cité
Non cité
Dardel, 1987, pp. 18, 20, 25, 30
Morel, 2001, p. 197