À partir de 1921 : mensuel

L’Assiette au beurre est fondée au printemps 1901 par Samuel-Sigismond Schwarz (1859-1932), seul nom associé à la direction de l’hebdomadaire jusqu’en 1903.

La conception originale de cette revue satirique est sans équivalent dans la presse illustrée de l’époque puisque les dessins y sont reproduits en pleine page et sans aucun texte, exception faite des légendes. La plupart des numéros traitent un unique thème et sont confiés à un seul artiste, ou à un petit groupe. Ils suivent un format fixe de seize pages avec une double page centrale. Typographie, zincographie et photogravure en sont les techniques de reproduction usuelles. Le numéro spécial de 48 pages paru le 1^er mars 1902, intitulé Crimes et châtiments et composé de vingt-trois lithographies de Vallotton, constitue à cet égard une exception, tant du point de vue du format que de la technique de reproduction.

La fonction primordiale que ce journal attribue à l’image atteste l’attention particulière portée à la qualité formelle. Cette dernière sert un contenu essentiellement politique qui véhicule quelques idées anarchisantes : dénonciation des injustices sociales, critique de l’État, des valeurs bourgeoises, de l’Église, de la police et des tribunaux, anticléricalisme, antimilitarisme ou encore anticolonialisme. (Concernant les thématiques abordées dans L’Assiette au beurre, voir « Analyse des thèmes », in : Dixmier et Dixmier, 1974, pp. 49-216 ainsi que Lambert, 1975. Ces deux articles identifient un certain nombre d’éléments iconographiques récurrents d’un numéro à l’autre et d’un illustrateur à l’autre et qui assurent ainsi l’unicité de la publication.)

Jules Grandjouan, Hermann-Paul, Henri Gabriel Ibels, Henri Gustave Jossot, František Kupka, Francisque Poulbot, Théophile Alexandre Steinlen, Kees van Dongen, Jean Veber, Léon Adolphe Willette figurent au nombre des principaux dessinateurs de L’Assiette au beurre. Quant à Félix Vallotton, peut-être introduit au périodique par Hermann-Paul, contributeur de la première heure, sa collaboration se résume à un dessin paru mi-février 1902 dans un numéro collectif spécial consacré au scandale alimentaire du lait frelaté, suivi une dizaine de jours plus tard par sa prise en charge du numéro complet Crimes et châtiments.

Malgré la rentabilité du journal, dont le tirage moyen se situe entre 25’000 et 40’000 exemplaires par numéro (Dixmier et Dixmier, 1974, p. 45), la mise sur le marché d’autres revues met Samuel-Sigismond Schwarz dans de gros embarras financiers en début d’année 1902, à un point tel qu’il est placé en liquidation judiciaire le 20 mars 1902. Parmi ses créanciers se trouvent des dessinateurs, des imprimeurs et des papetiers. Ces déboires n’empêchent pas Schwarz de continuer à diriger le journal jusqu’à son rachat par André de Joncières, en octobre 1904. Ils expliquent sans doute la brièveté de la collaboration de Vallotton. Apparemment créancier de Schwarz lui aussi, celui-ci va aux nouvelles auprès de Steinlen, lequel répond le 11 avril 1902 à une lettre aujourd’hui perdue. Assimilant Vallotton à « nous, ses petits créanciers », Steinlen écrit : « Je ne sais, mon cher Vallotton dans quelle posture vous êtes vis-à-vis de notre homme, meilleure que la mienne, j’espère. » (Documents, vol. II, lettre 156, pp. 66-67). L’hypothèse d’une créance sur Schwarz se confirme dans une lettre de Vallotton à son frère, datée du 3 mai 1902 : « Pour L’Assiette au beurre, j’ai fini par aller voir Schwarz lui-même qui m’a promis de payer […] » (lettre conservée dans une collection particulière).

Quatre ans plus tard, Vallotton envisage une nouvelle collaboration avec L’Assiette au beurre, par l’intermédiaire d’Hermann-Paul. Compte tenu de l’insuccès public de Crimes et châtiments (voir ici), André de Joncières, nouveau directeur de la publication, propose à Vallotton de lui fournir « une idée de numéro, une maquette et un dessin » et ne peut lui offrir que 500 francs d’honoraires (lettre de Hermann-Paul à Félix Vallotton, 12 février 1906, in : Documents, vol. II, lettre 189, pp. 103-104). Le projet ne se concrétisera jamais.

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Dixmier et Dixmier, 1974

Lambert, 1975

Appelbaum, 1978

Bachollet, 2003, pp. 237–240.

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