La première contribution de Vallotton au Témoin est un dessin en pleine page qui narre l’incursion d’un général dans la chambre d’un couple d’amants. Du général, que l’on devine avoir été trompé, on ne voit que l’arme à feu et les doigts sur la poignée de porte. Vallotton joue sur l’échelle des indices picturaux, puisque ces éléments passent presque inaperçus dans la masse noire de l’image – leur aspect surprenant, voire menaçant se voit renforcé par le fait qu’on ne les remarque pas forcément au premier regard. La triple exclamation comprise dans la légende vient encore souligner cet aspect.

S’il est difficile d’assigner ce dessin à une actualité particulière en octobre 1906, ce d’autant qu’il n’illustre pas le propos de l’éditorial, ni des brèves en pages intérieures, il est possible que Vallotton se saisit ici d’une question morale et légale, à savoir le statut de l’adultère en France, encore criminalisé de manière inégalitaire à cette époque. En juillet 1906, le député radical-socialiste Paul Meunier appelle à réformer le Code pénal en proposant de dépénaliser l’adultère et d’abroger l’inégalité de traitement entre hommes et femmes à cet égard. S’il faudra attendre 1975 pour que l’adultère ne soit plus considéré un délit aux yeux de la loi française, Vallotton dépeint probablement ici l’effroi suscité par le flagrant délit. En effet, selon le Code pénal français alors en vigueur, des circonstances atténuantes sont accordées au mari meurtrier de sa femme ou de son rival en cas de flagrant délit. Selon l’article 324 : « Le meurtre commis par l’époux sur l’épouse ou par celle-ci sur son conjoint n’est pas excusable. [...] Néanmoins, dans le cas d’adultère [...], le meurtre commis par l’époux sur son épouse ainsi que sur le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit, est excusable. »

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St-James, 1979, n^o 180