No catalogue 102000
Le Témoin, no 1, 20 octobre 1906, première de couverture illustrée par Auguste Roubille
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
Droits : Réservés
Le Témoin
Le Témoin
Le Témoin naît dans l’esprit de Dagny Bjørnson (1876-1974), fille de Karoline Bjørnson (1835-1934) et du poète, homme de théâtre et activiste social norvégien Bjørnstjerne Bjørnson (1832-1910). D’un contexte familial l’ayant prédisposée aux lettres et à l’édition – sa mère transcrit les écrits de son père, premier écrivain norvégien distingué par le prix Nobel de littérature en 1903 –, Dagny Bjørnson évolue rapidement dans les cercles littéraires européens, épousant l’éditeur allemand Albert Langen (1869-1909), fondateur de la revue satirique munichoise Simplicissimus et des éditions Langen Verlag (aujourd’hui Langen Müller Verlag). En 1906, en instance de séparation de son époux et vivant à Paris avec leurs deux enfants, Bjørnson imagine un périodique capable de rivaliser avec Simplicissimus en le dotant d’une envergure européenne (Bachollet, 2003, p. 157). Elle se lie d’intimité avec Paul Iribe (1883-1935) et invite celui-ci à gérer la revue et à en concevoir le graphisme, ce que le dessinateur et homme de presse accepte avec panache – le 20 octobre 1906 paraît le premier numéro du Témoin, d’emblée une « opération de subventions » (Helga Abret et Aldo Keel, Im Zeichen des Simplicissimus. Briefwechsel Albert Langen und Dagny Björnson, 1895-1908, Munich : Langen Müller, 1987, p. 132), puisque Langen achète des annonces pour Simplicissimus dans Le Témoin, et qu’inversement, ce dernier est vanté dans la revue munichoise comme étant « das einzige aktuelle und anstände französische Witzblatt [l’unique journal d’humour français actuel et décent] ». Le Témoin inaugure aussitôt une nouvelle esthétique dans les titres de presse satirique française.
L’empattement et le galbe de la typographie art nouveau laissent la place à une lettre résolument art déco, toute en minuscules et sans sérif. Le format presque carré – 35 x 30 cm – confère un rôle fort aux images, pour la plupart des pleines pages ou des doubles pages, d’ailleurs non paginées. Le recours à la couleur en bichromie pour les premières et quatrièmes de couverture renforce encore une grammaire visuelle faite d’aplats et de cadres noirs. Iribe signe quelques couvertures et publicités, mais il s’entoure d’illustrateurs comme Juan Gris (1887-1927), George Delaw (pseudonyme de Henri Georges Deleau, 1871-1938), Bernard Naudin (1876-1946) et Lyonel Feininger (1871-1956), puis Pierre-Émile Legrain (1889-1929), André Dunoyer de Segonzac (1884-1974), Marcel Duchamp (1887-1968) ou encore Jean Cocteau (1889-1963).
Vallotton collabore au Témoin dès le numéro inaugural et livrera au total cinq dessins qui paraîtront dans quatre livraisons consécutives. À son frère Paul, il annonce dans une lettre enjouée à l’automne 1906 : « Mon cher Paul / […] Je me suis remis au travail et j’en suis bien content. Je vais faire des dessins dans un nouveau journal qui paraît Jeudi [sic] – Le Témoin – ça me donnera quelques sous[.] » (Documents, vol. II, lettre 196, p. 110). Aucun sommaire ne renseigne sa contribution, ni celle de ses collègues dessinateurs, mais la vignette, la demi-page et les trois pleines pages qu’il signe portent toutes son monogramme.
Après un an d’existence, le volume du Témoin augmente à 16 pages (au lieu des 12 initiales) tandis que son prix d’achat baisse à 20 centimes (au lieu de 30 centimes). Cette formule durera jusqu’en 1910, lorsqu’Iribe se tourne vers d’autres activités – il vient de fonder la Société générale d’impression et de publicité, qui produira notamment ses ouvrages consacrés au styliste et parfumeur Paul Poiret (1879-1944) ou au danseur et chorégraphe Vaslav Nijinski (1888/1890-1950). La fin de cette première mouture du Témoin coïncide également avec le décès du père de Bjørnson, et l’année précédente, celui de son ex-époux.
En 1914, Iribe lance un avatar du Témoin, intitulé Le Mot : la grille graphique est identique et le propos tend vers le même mélange de nationalisme de tendance anarchiste et ouvriériste ; le seul périodique français distribué sur la ligne de front de la Première Guerre mondiale, il cessera de paraître en 1915. Enfin, Le Témoin renaît entre 1933 et 1935, se positionnant comme rassembleur d’opinion contre le pouvoir hitlérien et soviétique ; son ton ultranationaliste versera dans une certaine xénophobie à l’encontre des populations juives.
1906LRZ588
LRZ 588 : «Dessins p. le Témoin»
LRZ 597 : «Dessins pour le Témoin»
1906
«Dessins p le Témoin 200»
«Dessin p le Témoin 50»
Raymond Bachollet, Daniel Bordet et Anne-Claude Lelieur, Paul Iribe, Paris, Denoël, 1982.
Helga Abret et Aldo Keel, Im Zeichen des Simplicissimus. Briefwechsel Albert Langen und Dagny Björnson, 1895-1908, Munich, Langen Müller, 1987.
Bachollet, 2003, pp. 157–160.
La publication est consultable sur Gallica.