C’est sur une pleine page en bichromie et en quatrième de couverture que Vallotton déploie sa troisième contribution au Témoin : un couple cossu s’entretient à propos d’une passante, que l’épouse – vraisemblablement – juge malhonnête du fait même que son époux la reluque. « Si elle te plaît, elle n’est pas honnête », indique la légende. Les mœurs maritales de la classe aisée parisienne sont ici, comme souvent, un sujet où Vallotton excelle : sous le titre « Vingt ans après », il crée une tension entre le couple et la femme que vingt ans séparent, disposés au premier et au deuxième plan respectivement, de part et d’autre d’un rebord de trottoir tracé en diagonale. La fuite – du mari ou du moins du regard de celui-ci – est ainsi signalée de manière subtile, tandis que la mise en spectacle des corps et des costumes se voit accentuée par le fait qu’un vendeur à la criée se retourne lui aussi, son sourcil happé par le passage de la femme. Pour parachever ce théâtre voyeuriste, Vallotton représente l’élégante un monocle à la main, absorbée elle aussi par ce qui croisera son regard.

Le dessin préparatoire révèle le processus de travail de l’artiste. Les deux personnages au premier plan sont esquissés dans leurs volumes et contours seulement et sans expressions ou détails de vêtements. À ces zones laissées en réserve s’ajoute celle prévue pour le monogramme, que Vallotton décide déjà de disposer en bas à droite.

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St-James, 1979, n^o 181