Autonome

Après la parution d’Une Affaire d’or, le 13 juin 1896, Vallotton ne livrera plus d’illustrations au Rire pendant un an et demi, jusqu’au 8 janvier 1898. Mais il n’abandonne pas pour autant l’éditeur du périodique Félix Juven, puisqu’il se focalise sur l’exécution de « Dessins p les Contes de Pantruche au Rire », comme indiqué dans son Livre de comptes. Cette grosse commande comprend 53 dessins à réaliser pour l’ouvrage de Tristan Bernard, Contes de Pantruche et d’ailleurs, dont la parution est annoncée dans Le Rire du 27 mars 1897.

Vallotton est identifié au bas de la double page de ce numéro du Rire du 13 juin 1896 comme le dessinateur d’Une Affaire d’or, dont le titre vaut pour l’ensemble des onze vignettes, tout comme le monogramme en bas à droite de la double page. L’auteur du texte, en revanche, n’est cité en aucun endroit du journal qui, de manière générale, valorise davantage les dessins que les textes. La plupart des légendes et des commentaires des dessins de Vallotton parus dans Le Rire sont de Jules Renard (sur ce point, voir ici). Mais celui-ci ne saurait être l’auteur du présent texte, dont le style et l’humour absurde sont plus proches des Contes de Pantruche de Tristan Bernard, comme le sont aussi les vignettes flottantes (non circonscrites dans un rectangle) de Vallotton. De plus, dans Le Rire, les textes de Jules Renard commentent les dessins préexistants de Vallotton, à l’inverse d’Une Affaire d’or, où les dessins de Vallotton viennent illustrer le texte.

Au vu de ces observations, attribuer le texte d’Une Affaire d’or à Tristan Bernard semble une hypothèse réaliste. La première contribution de ce dernier au Rire est parue dans le cinquième numéro, le 8 décembre 1894. Le 5 janvier 1895 son nom figure au nombre des « fantaisistes » dont le journal s’est assuré la collaboration.

Dans cette histoire en images, seul exemple de récit séquentiel, préfiguratif de la bande dessinée, dans le travail d’illustrateur de Vallotton, il est question d’une source dont l’eau a un goût de fromage impossible à faire disparaître. Celui-ci devient cependant un argument publicitaire pour vanter ses qualités nutritives. Lorsque la source est tarie, on entreprend des recherches pour tenter de reproduire le goût de fromage dans l’eau courante. Cette histoire, qui tourne en dérision les préceptes hygiénistes, n’est pas sans similitudes avec Une semaine bien remplie, des Contes de Pantruche, où tous les personnages meurent après avoir bu de l’eau, que ce soit de la Vanne, de la Seine, filtrée, minérale, bouillie ou coupée de vin.

Au Livre de comptes, les honoraires de 140 francs perçus par Vallotton incluent la couverture du Rire du 25 avril 1896 et les onze vignettes d’Une Affaire d’or. Ils sont à répartir comme suit : 60 francs pour le dessin de la couverture (conformément aux autres) et 80 francs pour les vignettes.

Dessins de F. Vallotton (en bas de la double page à droite pour les 11 vignettes)

1896LRZ294

«Dessins p. Le Rire.»

1896

«Dessins p le Rire 140»

Antoine Sausverd, «"Une Affaire d'or" par Félix Vallotton», Töpfferiana, littératures graphiques des XIX^e et début XX^e siècles, 9 mars 2014