En 1896, le Livre de raison et le Livre de comptes de Félix Vallotton mentionnent des dessins pour un livre de cuisine publié par Hachette qui lui ont été payés 230 francs, selon le second. L’artiste a régulièrement travaillé pour les éditions Hachette de 1893 à 1898. Pendant cinq ans, il a réalisé de nombreux dessins de mode pour La Mode pratique , magazine dirigé par Caroline de Broutelles (1865-1940), l’épouse du sculpteur suisse Maurice Reymond de Broutelles (1862-1936, voir ici). En 1893 et 1894, il a même exécuté plusieurs portraits de cette journaliste et éditrice (voir Ducrey, 2005, n^os 157, 158, 169), qui était responsable des publications féminines de la librairie Hachette depuis 1891. Toutefois, les éditions Hachette n’ont jamais publié de livre de cuisine illustré par Vallotton et aucune trace d’illustration de sa main, qui puissent correspondre à ce projet, n’a été trouvée à ce jour.

Or fin 1896 paraît chez Hachette le premier des quatre volumes de Comment on forme une cuisinière. Petit guide de la maîtresse de maison de Madame Seignobos. Comme annoncé dans La Mode pratique du 2 janvier 1897, il rassemble une série d’articles précédemment publiés dans le magazine. Tout porte à croire que lesdits dessins de Vallotton étaient destinés aux couvertures des quatre volumes de cet ouvrage. Cette hypothèse est renforcée par le montant de 230 francs inscrit à son Livre de comptes, sachant qu’en 1896 il percevait 50 francs pour une illustration de couverture.

En réalité, c’est François-Joseph Vernay (1864-1950), un contributeur genevois à La Mode pratique, qui a composé les couvertures des quatre volumes de Madame Seignobos (fig. A-D). Les initiales FJV incluses dans un cartouche sur deux d’entre elles, ainsi que la mention dans le Livre de raison de Vallotton de dessins pour un livre de cuisine ont conduit Ashley St-James – et d’autres à sa suite – à lui attribuer les quatre illustrations de Vernay dans l’introduction de son ouvrage Vallotton dessinateur de presse (St-James, 1979). Cela en dépit du fait que la couverture du deuxième volume porte la signature de Vernay en toutes lettres.

François-Joseph Vernay faisait partie de la petite colonie d’artistes genevois installés à Paris qui comptait, entre autres, Carlos Schwabe (1866-1926), Auguste de Niederhausern, dit Rodo (1863-1913) et Maurice Reymond de Broutelles.

Dinah Seignobos (1830-1900), dont la Fondation Félix Vallotton conserve trois lettres adressées à Vallotton entre 1897 et 1900, était l’épouse du député de l’Ardèche Charles-André Seignobos (1822-1942) et la mère de l’historien Charles Seignobos (1854-1942). Elle a collaboré à La Mode pratique dès la deuxième année de la revue, en 1893. Il est possible que les Seignobos aient fait la connaissance des Reymond de Broutelles par l’intermédiaire de leurs amis Mallarmé, dont ils avaient été les voisins à Tournon entre 1863 et 1867. Geneviève Mallarmé (1864-1919), la fille du poète, était chargée, dans La Mode pratique, de la rubrique « Le Calendrier de la Maîtresse de maison ». Maurice Reymond de Broutelles, pour sa part, est l’auteur d’un buste posthume de Stéphane Mallarmé (voir Hélène Oblin, « Mallarmé et les Reymond de Broutelles : un portrait inconnu », Études Stéphane Mallarmé, n^o 3, 2015, pp. 49-58).

1896LRZ298

« dessins p. un livre de cuisine. Hachette »

1896

« dessins livre de cuisine Hachette 230 »