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Illustrations de livre

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Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)

Droits : Réservés


Lautréamont


Titre

Lautréamont

Sujet

Lautréamont

Spécifications liées au titre
Titre du texte en relation

Parution dans
Date
1896 (20 Octobre)
Page
p. 138
Emplacement
Corps du livre in-texte
Relation illustration-texte

En relation avec le texte éponyme, pp. 137–149.


Commentaire

Le texte de Remy de Gourmont et l’illustration de Vallotton ne sont pas d’abord parus dans la Revue des revues en 1896. Si le masque est inédit, le texte est une variante de l’article de Remy de Gourmont intitulé « La Littérature ‹ Maldoror › », paru dans le Mercure de France en février 1891 (pp. 97-106).

Isidore Lucien Ducasse (1846-1870) est un poète français connu sous le pseudonyme de comte de Lautréamont. Il est l’auteur des Chants de Maldoror publiés pour la première fois dans un relatif anonymat en 1868. Mort à 24 ans sans avoir connu le succès, on n’a longtemps su que très peu de choses à son sujet. Redécouvert par les symbolistes puis par les surréalistes, sa vie a inspiré, en particulier chez ses derniers, de nombreuses conjectures.

Vallotton découvre Lautréamont probablement grâce à Charles Maurin (1856-1914), qui lui écrit le 29 janvier 1892 : « J’irai vous voir demain samedi entre 5h et 6h chez vous. Nous causerons du conte [sic] de Lautréamont qui a écrit les chants de Maldoror – Je vous assure que je n’ai rien lu de plus fort – Tâchez de vous trouver là – au revoir. » (Documents, vol. I, lettre 32, p. 77).

Ce masque paru en 1896 présente la particularité d’être le tout premier portrait représentant Lautréamont.

En avril 1927, en réaction à la nouvelle édition des œuvres de Lautréamont par Philippe Soupault (1897-1990) – qui ose s’approprier un auteur « propriété » des surréalistes –, Louis Aragon (1897-1982), André Breton (1896-1966) et Paul Éluard (1895-1952) signent le tract intitulé Lautréamont envers et contre tout. À propos d’une réédition. Ce texte débute ainsi : « Toutes les recherches sur Lautréamont sont restées vaines. Le 2 avril 1921, Félix Vallotton, auteur du portrait de Lautréamont paru dans le Livre des Masques, nous écrivait : ‹ Ce portrait est une invention pure, faite sans aucun document, personne, y compris de Gourmont, n’ayant sur le personnage la moindre lueur. Cependant je sais qu’on chercha. C’est donc une image de pure fantaisie, mais les circonstances ont fini par lui donner corps et elle passe généralement pour vraisemblable. › ».

Il convient de relever que la lettre adressée par Félix Vallotton à André Breton le 2 avril 1921 constitue la seule rencontre de l’artiste avec les surréalistes. André Breton en conserve l’autographe qu’il insère dans son exemplaire truffé des Chants de Maldoror (fig. B).

« Invention pure », « image de pure fantaisie » : la réalisation d’un portrait ex nihilo par Vallotton ne manque pas d’étonner, car l’artiste a coutume de vouer une fidélité absolue à la source iconographique qui lui sert de modèle. « Imagination » et « invention » sont d‘ailleurs des termes récurrents lorsqu’il est question de ce masque dans la presse. En 1927, R. de Bury écrit : « Ducasse était imberbe. C’est ainsi que Félix Vallotton l’a représenté, imaginativement, dans le Livre des masques de Remy de Gourmont. Mais on ne possède aucune image réelle de Lautréamont » (R. de Bury, « Les Journaux. À propos d’Isidore Ducasse », Mercure de France, 15 juillet 1927, pp. 437-438). En 1929, André Salmon évoque le « […] double Livre des masques (illustré par Félix Vallotton qui, par un coup de génie, inventait un masque de ce comte de Lautréamont dont il n’existe aucune effigie authentique). » (André Salmon, « Bibliothèques d’écrivains », Arts et métiers graphiques, no 14, 15 novembre 1929, p. 817).

En 1936 dans Minotaure, André Breton va jusqu’à publier le masque de Vallotton biffé d’une croix (fig. C), accompagné d’une retranscription de la lettre de Vallotton de 1921, une façon véhémente de mettre en avant l’inexistence de portraits réels de Lautréamont (André Breton, « Le Merveilleux contre le mystère. À propos du symbolisme », Minotaure, no 9, 15 octobre 1936, p. 31). Et comme le note Francois Caradec, premier biographe de Lautréamont : « On sait que l’absence totale de portraits réels (car on ne manque pas de portraits imaginaires !) a été longtemps le régal des inventeurs du ‹ mystère Lautréamont ›. » (cité in : Jacques Lefrère, Le Visage de Lautréamont, Paris : Pierre Horay, 1977, p. 13).

À partir de la fin des années 1970, de nouveaux documents biographiques sont retrouvés dont un portrait photographique présumé d’Isidore Ducasse (fig. D), publié par Jacques Lefrère en 1977 (Lefrère, op. cit., 1977). Si d’aucuns considèrent la trouvaille comme douteuse – Jean-Luc Steinmetz n’a par exemple pas retenu cette photographie dans l’édition de 2009 des œuvres complètes de Lautréamont dans la Bibliothèque de la Pléiade – , il n’en reste pas moins que les ressemblances entre le masque imaginaire de Lautréamont par Vallotton et l’homme de la photographie (cheveux, cernes, ombre de la moustache) sont troublantes.

Vallotton aurait-il tout de même eu accès à un document iconographique bien qu’il le nie en 1921 ? C’est ce que sous-entend le même Lefrère lorsqu’il écrit en 1991 (étonnamment, il ne relève pas la ressemblance entre le masque de Vallotton et la photographie qu’il a lui-même découverte) : « L’illustrateur, qui ne disposait ni du modèle ni d’une photographie, composa un portrait imaginaire de Lautréamont. Il faut croire que son dessin était conforme à l’idée que se faisaient les lecteurs de Gourmont, car le bruit courut que l’artiste s’était inspiré d’un portrait authentique de l’auteur de Maldoror. Mais André Breton, pour couper court à cette rumeur, fit paraître dans le numéro neuf du Minotaure le portrait du Livre des masques rayé d’une croix, avec cette lettre que lui avait adressée Vallotton […] » (Jean-Jacques Lefrère, « Félix Vallotton, portraitiste de Lautréamont », Cahiers Lautréamont. Bulletin de l’Association des amis passés, présents et futurs d’Isidore Ducasse, livraisons XVII et XVIII, 1er semestre 1991, p. 78).

Avec sa lettre à André Breton, Félix Vallotton vient-il lui aussi entretenir le mythe cher aux surréalistes ?

Katia Poletti


Format
Pleine page
Composition
Flottante
Couleur
Noir et blanc
Signature

Monogrammé en bas à droite

Autre·s mention·s sur l’illustration
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Autre·s mention·s en marge de l’illustration
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Remarques
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Images de comparaison

A. Félix Vallotton, dessin définitif pour Lautréamont, 1896, plume et encre de Chine, rehauts de gris clair sur papier, 12,8 x 10,3 cm, Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. Acquisition, 1934. Inv. 1852

Crédit photographique : ____

Droits : ____

B. Lettre autographe de Félix Vallotton à André Breton, 2 avril 1921, insérée par André Breton dans son exemplaire de l'édition originale des Chants de Maldoror, collection particulière, courtesy Galerie 1900-2000, Paris

Crédit photographique : © courtesy Galerie 1900-2000, Paris

Droits : Réservés

C. André Breton, «Le merveilleux contre le mystère. A propos du symbolisme», Minotaure, n° 9, 15 octobre 1936, p. 31

Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton (photographie : Etienne Malapert, Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne)

Droits : Réservés

D. Photo-carte de visite représentant peut-être Isidore Ducasse (1846-1870), exécutée à Tarbes en 1867 par le studio Blanchard. Document retrouvé par Jean-Jacques Lefrère en 1977

Crédit photographique : ____

Droits : Ouverts


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Livre de comptes

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Honoraires
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Bibliographie

Louis Aragon, André Breton, Paul Eluard, Lautréamont envers et contre tout. A propos d'une réédition, sans lieu ni date [avril 1927]

R. de Bury, «Les Journaux. A propos d'Isidore Ducasse», Mercure de France, 15 juillet 1927, pp. 437–438

André Salmon, «Bibliothèques d'écrivains», Arts et métiers graphiques, no 14, 15 novembre 1929, p. 817

André Breton, «Le merveilleux contre le mystère. A propos du symbolisme», Minotaure, no 9, 15 octobre 1936, p. 31

Jacques Lefrère, Le Visage de Lautréamont, Paris, Pierre Horay, 1977, p. 15

Jean-Jacques Lefrère, «Félix Vallotton, portraitiste de Lautréamont», Cahiers Lautréamont. Bulletin de l'Association des amis passés, présents et futurs d'Isidore Ducasse, Livraisons XVII et XVIII, 1er semestre 1991, pp. 77-78.


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Liens
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