No catalogue 036000
Revue des revues, no 19, 1er octobre 1897, première de couverture
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
Droits : Réservés
Revue des revues
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et Revue d'Europe et d'Amérique
Le 2 novembre 1895, l’écrivain Remy de Gourmont (1858-1915) écrit à Vallotton : « La Revue des Revues va publier, sous ma signature, une série d’articles sur les écrivains et d’abord les poètes nouveaux. Elle désirerait que la notice de chaque écrivain fût illustrée d’un portrait signé de vous, comme ceux qui sont si remarqués dans la Revue blanche. La Revue des Revues, qui a un public très étendu, a naturellement l’intention de payer votre collaboration […] » (Documents, vol. I, lettre 72, p. 132). Plusieurs lettres de Gourmont suivront, consacrées principalement aux photographies des écrivains et poètes remises, documents indispensables à l’illustrateur pour la réalisation de ses portraits. Aucune lettre de Vallotton à Gourmont ne semble en revanche avoir été conservée.
Avec la série intitulée Nouveaux Venus, publiée dans la Revue des revues en quatre livraisons du 15 janvier au 15 septembre 1896, Remy de Gourmont tente de répondre à la question posée par le titre du premier article : « Qu’est-ce que le symbolisme ? ». Dix-huit portraits d’écrivains dessinés par Vallotton accompagnent les textes de Gourmont. Textes et illustrations seront repris en volume, les premiers avec quelques modifications, dans Le Livre des masques paru le 20 octobre 1896. Le masque d’Adolphe Retté fait exception puisque Vallotton le remplacera par un autre du même écrivain. Pour ces dix-huit masques, Vallotton touche un total de 144 francs, soit 8 francs par dessin. À noter que le mot « masque » n’apparaît pas chez Vallotton, qui qualifie ces illustrations de « têtes » lors de leur première mention dans son Livre de raison, puis de « portraits ». Le terme « masque » sera proposé par Remy de Gourmont au moment de la publication du Livre des masques (sur ce point, voir ici). Le volume sera augmenté de douze textes et masques.
Le 15 décembre 1895, dans le numéro qui précède la série d’articles associant Gourmont et Vallotton, en page une, on peut lire une annonce, sans doute due à Jean Finot (1856-1922), rédacteur en chef de la revue. Vallotton y est à l’honneur, ombrageant Gourmont, et les masques y sont particulièrement bien définis : « La Revue, tout en gardant ses anciennes rubriques, s’efforcera d’introduire l’année prochaine quelques innovations qui seront sans doute fortement goûtées par nos lecteurs. Citons, en attendant, la rubrique consacrée aux Nouveaux Venus. / Le mouvement littéraire des ‹ jeunes ›, qui intéresse, à juste titre, tous les amis des lettres, sera ainsi étudié dans une série d’articles par M. Remy de Gourmont, un des plus brillants critiques et écrivains dans la pléiade des jeunes France. Sa plume sera secondée par le crayon de M. Vallotton, dessinateur original et des plus doués, dont la série de portraits formera une collection très recherchée, comme le sont, du reste, toutes les œuvres de cet artiste aimé par tous les intellectuels et les délicats. / Ses portraits sont des résumés analytiques, des schémas : quelques taches noires et le profil est écrit, lisible, net et définitif. Le procédé de M. Vallotton diffère essentiellement de celui des caricaturistes ; il n’exagère pas un détail type, il abrège et il condense, créant, avec la ressemblance, la vie et la vision du caractère même de la physionomie qui a passé par son étrange laboratoire [l’autrice souligne]. » Le même texte est repris le 1er janvier 1896 pour la parution du premier article consacré aux « Nouveaux Venus ». Le 1er mars 1896, une Note de la rédaction insiste sur le dernier point de l’annonce : « Quant aux dessins originaux de M. Vallotton, nos lecteurs trouveront sans doute avec nous que l’artiste est arrivé non seulement à donner des ressemblances frappantes, mais qu’il nous offre, en outre, la vie et le caractère de tous ceux qui ont eu l’honneur de passer par son ingénieux laboratoire. Ajoutons que le succès de ces articles et des dessins qui les accompagnent est tel qu’on nous a déjà demandé la permission de les publier en plusieurs langues étrangères. » (p. 406).
Dans le Mercure de France, on peut lire en avril 1896 : « Le masque de chaque ‹ nouveau venu › est vigoureusement dessiné en marge par Vallotton. » (Robert de Souza, « Journaux et revues », Mercure de France, avril 1896, p. 144).
Félix Vallotton retient l’attention de Remy de Gourmont en 1892, à l’occasion du Premier Salon de la Rose † Croix (au sujet de cette exposition, voir ici). À propos de ses gravures sur bois, Gourmont écrit : « Ce sont d’ingénieuses caricatures, très vivantes, très amusantes, loin de toute banalité ; son Verlaine et son Baudelaire intéressent vivement : ce n’est plus de la caricature, et pourtant ce Verlaine potiron !… » (G[ourmont], R[emy de], « Les premiers salons », Mercure de France, tome V, no 29, mai 1892, p. 63). Le 1er avril 1892, Octave Mirbeau (1848-1917) écrivait à Remy de Gourmont au sujet de la Rose † Croix : « De tout ce fatras d’œuvres si vulgaires, il n’y a que les bois de Vallotton qui vaillent. » (Gourmont, 2010, lettre 167, p. 253).
Un projet de ce type mûrissait déjà dans l’esprit de Remy de Gourmont en décembre 1891. Maurice Denis (1870-1943) était alors pressenti pour l’illustration, comme l’attestent les lettres adressées à l’artiste entre fin décembre 1891 et le 26 juin 1892 (Gourmont, 2010, lettres 159, 160, 161, 162, 163, 176, pp. 244-249 et 263). Entre fin décembre 1891 et début janvier 1892, Remy de Gourmont propose à Maurice Denis de réaliser des portraits de poètes et romanciers symbolistes, à paraître dans L’Écho de France ; le 15 février 1892 sort le premier numéro composé par sa nouvelle équipe, dont fait partie Remy de Gourmont (voir Gourmont, 2010, p. 248, note 1) : « Si vos travaux en cours ou tout autre motif vous empêchaient d’accepter, seriez-vous assez aimable pour m’indiquer tels de vos amis (symbolistes, toujours, – on y tient !) auxquels cela serait agréable ? » (Gourmont, 2010, lettre 159, p. 244). Denis accepte la proposition de Remy de Gourmont qui lui fournit une liste d’écrivains*, en lui demandant de sélectionner une quinzaine de noms et précisant disposer d’« une exacte photographie » d’Auguste de Villiers de L’Isle-Adam (1838-1889) et de Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889) (Gourmont, 2010, lettre 160, p. 245). Il s’agit pour l’artiste de commencer par ces deux écrivains, puis de poursuivre avec Stéphane Mallarmé (1842-1898) et Joris-Karl Huysmans (1848-1907) (Gourmont, 2010, lettre 161, pp. 247-248). Remy de Gourmont livre deux portraits par Maurice Denis (1870-1943) à L’Écho de France, dont celui de Villiers de L’Isle-Adam (Gourmont, 2010, lettre 162, p. 248), avant d’annoncer à l’artiste l’interruption du projet – une nouvelle refonte du journal semble en être la cause, (voir Gourmont, 2010, p. 248, note 1) : « Il est très possible qu’une autre combinaison se présente ; en ce cas, si vous n’étiez pas découragé, la série que nous avions rêvée pourrait se réaliser. » (Gourmont, 2010, lettre 163, p. 249). Le 26 juin 1892, Remy de Gourmont revient vers Maurice Denis : « Vous souvenez-vous des deux dessins que vous m’aviez confiés ? Je vous consulterai un jour sur la destination qu’on pourrait leur donner. » (Gourmont, 2010, lettre 176, p. 263). Aucune trace de ces deux portraits par Maurice Denis – celui d’Auguste de Villiers de L’Isle-Adam et probablement celui de Jules Barbey d’Aurevilly – n’a pu être retrouvée.
Remy de Gourmont avait l’intention de présenter au lectorat de la Revue des revues J.-H. Rosny, pseudonyme commun des frères belges Joseph Henri Honoré Boex (1856-1940) et Séraphin Justin François Boex (1859-1948), tous deux écrivains. C’est ce que laisse penser une lettre qu’il leur adresse en 1896 : « Vous pensez aux photographies, n’est-ce pas. Vous avez promis et j’y compte. Je vais me mettre à la besogne et il faut que je sois fixé sur mes figures de ce mois. » (Remy de Gourmont, Correspondance. Suppléments, réunie, préfacée et annotée par Vincent Gogibu, Paris : Éditions du Sandre, 2015, lettre 43, p. 51). Ils ne font toutefois pas partie des dix-huit portraits publiés.
La collaboration de Vallotton à la Revue des revues s’interrompt entre le 15 septembre 1896 et le 1er novembre 1897. Durant cette période, l’artiste ne publie aucun masque en dehors de La Revue blanche. La participation à la Revue des revues reprend ensuite, en dehors de tout lien avec Remy de Gourmont (lien qui se poursuit en revanche dans le Mercure de France), avec 34 autres masques dont la parution s’étend sur une année, du 1er novembre 1897 au 15 octobre 1898. Ce sont quinze dessins en 1897 pour lesquels Vallotton touche 100 francs et dix-neuf en 1898 rémunérés par la même somme. Ils illustrent neuf articles consacrés à des écrivains contemporains (regroupés selon le type de littérature ou l’origine de cette dernière) par trois auteurs : Henry Bérenger (1867-1952), Georges Pellissier (1852-1918), Ernest Tissot (1867-1922). Tous les écrivains mentionnés dans les articles ne bénéficient pas d’un masque et certains textes sont illustrés par une photographie.
Ce travail s’effectue en parallèle à la réalisation de masques pour Remy de Gourmont publiés dans le Mercure de France, lesquels mèneront au IIme Livre des masques. Vallotton se devait de différencier les masques d’une même personne fournis à des publications différentes (sur cette question, voir ici).).
*Mikhaël, Lombard, Mallarmé, Huysmans, Verlaine, Villiers, Barbey d’Aurevilly, Huysmans, Albert Aurier, Charles Morice, Rachilde, Paul Adam, H. de Régnier, Bernard Lazare, Gustave Kahn, Sar Péladan, Laurent Tailhade, Maurice Barrès, Charles Vignier, Camille de Ste croix, R. de Gourmont, Germain Nouveau, Jules Renard, Edouard Dujardin, Alfred Vallette, Albert Samain, Stuart Merrill, Adolphe Retté, Louis Denise, Edmond Barthélémy, Louis Lecardonnel, Jean Court, Albert Jhonney, Émile Michelet, Jules Bois, Stanislas de Guaita, Zo d’Axa, Jean Moréas, Maurice du Plessys, Raymond de la Tailhède, Ernest Raynaud, Charles Maurras.
1896LRZ288
LRZ 288 : « dessins têtes p. Revue des Revues »
LRZ 297 : « dessins p. Ia Revue des Revues »
LRZ 300 : « Portr. dessins Revue des revues »
[aucune mention en 1897]
puis en 1898
LRZ 370 : « Dessins Revue des Revues »
1896
« Dessins portr. Revue des Revues 64 »
« dessins port. Revue des Revues 40 »
« portr dessins Revue des Revues 40 »
puis en 1897
« Dessins Revue des revues 100 »
puis en 1898
« dessins Revue des Revues 100 »
Robert de Souza, « Journaux et revues », Mercure de France, avril 1896, pp. 144–145
Grojnowski, 2007
Salé, 2008