No catalogue 051046
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : François Doury)
Droits : Réservés
Allez vous coucher, Basile. (Beaumarchais)
Allez vous coucher, Basile. (Beaumarchais)
Stanislas du Lac
Autonome
LLe père Stanislas du Lac (1835-1909) est un prêtre jésuite, confesseur entre autres du journaliste antidreyfusard, nationaliste et antisémite Édouard Drumont. Il devient la cible des anticléricaux et des dreyfusards qui lui reprochent de tirer les ficelles, en coulisses, du côté adverse.
Vallotton le représente dans le costume de Don Bazile, l’un des personnages du Barbier de Séville. En voici la description dans la pièce de théâtre de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799) : « […] chapeau noir rabattu, soutanelle et long manteau, sans fraise ni manchettes […] ». Sa célèbre tirade de l’acte II, qui débute par « La calomnie, Monsieur ? » et expose la marche à suivre pour déshonorer un individu, a fait de lui une figure emblématique de la calomnie. À un point tel qu’au XIXe siècle, un Basile devient synonyme de calomniateur, ce par antonomase, figure rhétorique qui consiste à remplacer, en vue d’une expression plus spécifiante ou plus suggestive, un nom commun par un nom propre ou l’inverse.
Vallotton n’est pas le seul à exploiter cette figure de style dans un dessin de presse. Le 20 janvier 1899, Henri-Gabriel Ibels (1867-1936) illustre la couverture du Sifflet avec un dessin intitulé La Raison de Basile et légendé « – Calomniez ! il en restera toujours quelque chose !». Auparavant, la figure du Basile apparaît régulièrement dans les caricatures du jésuitisme.
Le titre de l’illustration de Vallotton, manuscrit sur le dessin original définitif (fig. A), cite Beaumarchais. Dans la scène XI de l’acte III, le comte Almaviva indique à Don Bazile : « Allez vous coucher, mon cher Bazile : vous n’êtes pas bien, et vous nous faites mourir de frayeur. Allez vous coucher. » Ainsi que le relève Ashley St-James dans son ouvrage Vallotton dessinateur de presse, « Basile, en effet, qui a ici les traits du R.P. Dulac [sic], un des plus farouches ennemis de la révision du procès Dreyfus, a toutes les raisons de se sentir mal : le lieutenant-colonel Henry, un des piliers de l’accusation, s’est suicidé le 31 août ; le vent est en train de tourner en faveur des dreyfusards. » (St-James, 1979, no 54).
Hubert Henry, l’officier français qui a produit de faux documents visant à accuser Dreyfus, passe aux aveux le 30 août 1898. Il est immédiatement arrêté et se suicide le lendemain, dans sa cellule, en se tranchant la gorge d’un coup de rasoir. Vallotton reviendra deux semaines plus tard, en couverture du Cri de Paris, sur le revirement d’opinion provoqué par cet événement par le dessin intitulé À qui le tour, de ces Messieurs ?, lequel fait subtilement allusion au Figaro de Beaumarchais et au rasoir du suicidé.
Monogrammé au centre à droite
Dessin de Félix Vallotton
A. Félix Vallotton, dessin définitif pour Allez vous coucher, Basile. (Beaumarchais), 1898, encre de Chine et rehauts d'aquarelle sur papier, 25 x 16,5 cm, localisation actuelle inconnue
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St-James, 1979, no 54