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Illustrations de périodique

No catalogue 051049

Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)

Droits : Réservés


À qui le tour, de ces Messieurs?


Titre

À qui le tour, de ces Messieurs?

Légende
Sujet
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Parution dans
Numéro
Date
1898 (6 Novembre)
Page
Première de couverture
Emplacement
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Relation illustration-texte

Autonome


Commentaire

Dans ce dessin où est figuré un coiffeur qui interpelle ses clients rasoir en main et ciseaux dans la poche, Vallotton procède plus que jamais par allusion et par pirouette elliptique.

Dans le contexte de l’affaire Dreyfus, Hubert Henry (1846-1898), l’officier français qui a produit de faux documents visant à accuser Dreyfus, passe aux aveux le 30 août 1898. Il est immédiatement arrêté et se suicide le lendemain, dans sa cellule, en se tranchant la gorge d’un coup de rasoir. L’événement provoque un revirement d’opinion et une onde de choc en faveur de la révision du procès.

Le 1er septembre, la une du quotidien Le Figaro relate : « Le drame commencé avant-hier par les aveux et l’arrestation du colonel Henry s’est terminé dans la soirée d’hier par le suicide de cet officier. Le colonel Henry s’est tué dans sa cellule du Mont-Valérien. […] L’Agence nationale ajoute ce détail : Le lieutenant-colonel Henry s’est donné la mort en se coupant la gorge avec un rasoir qu’il avait apporté dans sa valise. » Sur la même page, on trouve la brève suivante : « En présence des graves événements qui ont signalé la journée d’hier, nos éminents collaborateurs Forain et Caran d’Ache ont prié la maison Plon, qui les édite, de ne pas mettre en vente le prochain numéro du Psst ! … qui devait paraître ce matin. » (Il existe pourtant bien un numéro 30 daté du 27 août 1898 et un numéro 31 daté du 3 septembre 1898).

Psst ! … est un hebdomadaire fondé en février 1898 par Forain et Caran d’Ache. Jusqu’au 16 septembre 1899, les deux artistes y publient des dessins antisémites et antidreyfusards. La réplique des dreyfusards ne se fait pas attendre avec la parution le 17 février 1898 du Sifflet, auquel collaborent Henri-Gabriel Ibels, Hermann-Paul, Édouard Couturier et Vallotton. (Forain délaissera momentanément Le Figaro en début d’année 1899 – il y reviendra en 1903 – pour rejoindre le journal antidreyfusard L’Écho de Paris.)

Le 8 septembre 1898, en dernière page du Sifflet, son directeur Achille Steens fait paraître, sous le titre « Encore une pièce secrète ! », une prétendue lettre de Forain et Caran d’Ache annonçant la non moins prétendue disparition de Psst ! … en lien avec le suicide d’Henry. On y lit : « Les derniers événements nous obligent à interrompre notre collaboration au Psst ! … et à vous prier même de ne point publier cette semaine nos intéressants dessins qui ne seraient guère d’actualité. », propos qui font écho à la brève parue dans Le Figaro. La lettre imaginée indique ensuite : « Il a fallu se soumettre aux exigences des grands dignitaires de l’Ordre du désabonnement… et, vous le savez, le coup de rasoir du Figaro eut été aussi mortel pour nous que le coup de rasoir d’Henry… ». Le 17 septembre 1898, dans Psst ! …, Caran d’Ache répond à l’affront d’Achille Steens par un autoportrait intitulé Un mot à la hâte (personnel) / Pour le nommé Steens. L’artiste s’y représente mains dans les poches, avec un phylactère renfermant points de suspension et point d’exclamation pour signifier une injure.

Et c’est bien « le coup de rasoir du Figaro » que Vallotton évoque dans ce dessin, en représentant un figaro (synonyme argotique de barbier) pour désigner le journal du même nom, sans toutefois le nommer. Le dessinateur de presse procède ici par sous-entendu, après avoir explicitement fait référence, deux semaines auparavant, à un autre personnage du Barbier de Séville de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), Don Bazile, en couverture du Cri de Paris.

Duquel de ses adversaires Le Figaro s’apprête-t-il à faire la barbe ? Autrement dit, quel journal s’apprête-t-il à défier après le Psst ! ... ? (après le Psst ! … ?)

L’article de Jean Rime intitulé « Le Figaro-ci, Le Figaro-là. Un exemple de migration transmédiatique entre théâtre, opéra et presse » assoit cette hypothèse, lequel analyse le réinvestissement de la figure de Figaro dans le journal homonyme. Dans le contexte des années 1830, « […] de façon analogue aux ‹ coups de batte › que distribue Arlequin dans d’autres périodiques, […] Figaro se fond de ‹ coups de rasoir › dans l’une de ses réincarnations journalistiques ultérieures, où de surcroît la vignette le montre en train de manier lancettes et blaireau pour faire la barbe à ses adversaires. » (Jean Rime, « Le Figaro-ci, Le Figaro-là. Un exemple de migration transmédiatique entre théâtre, opéra et presse », in : Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty [éd.], Presse et opéra aux XVIIIe et XIXe siècles, Fictions en miroirs, disponible sur le site web Médias 19, 2021).

Katia Poletti


Format
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Composition
Flottante
Couleur
Noir et blanc
Technique de reproduction
Dessin reproduit par procédé photomécanique
Gravure/photogravure
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Signature

Monogrammé au centre à droite

Autre·s mention·s sur l’illustration
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Autre·s mention·s en marge de l’illustration

Dessin de Félix Vallotton

Autre·s mention·s dans la publication
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Remarques
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Image de comparaison

A. Félix Vallotton, dessin définitif pour À qui le tour, de ces Messieurs?, 1898, encre de Chine et rehauts d'aquarelle sur papier, 25 x 20 cm, localisation actuelle inconnue

Crédit photographique : ____

Droits : ____


Livre de raison

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Livre de comptes

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Honoraires
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Bibliographie

St-James, 1979, no 55


Reprise·s
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Liens
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Fiche liée
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