No catalogue 051000
Le Cri de Paris, no 1, 31 janvier 1897, première de couverture illustrée par Paul-César Helleu
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton (photographie : Jean-Louis Losi)
Droits : Réservés
Le Cri de Paris
Le Cri de Paris
Émanation de La Revue blanche à destination du grand public, l’hebdomadaire satirique Le Cri de Paris est créé en janvier 1897 par Alexandre Natanson (1867-1936). Natanson avait fondé La Revue blanche avec ses frères, Thadée et Alfred, et en a été le responsable financier. En 1899, Félix Vallotton fera de lui un portrait, aujourd’hui conservé à Paris, au musée d’Orsay (huile sur toile, 81 x 65 cm, don de Brigitte Bourrelier, petite-fille d’Alexandre Natanson, 2005 [Ducrey, 2005, no 263]).
Paul-Henri Bourrelier nous l’apprend, « […] les deux périodiques cohabitent. Thadée Natanson fixe les orientations éditoriales de La Revue blanche en concertation avec ses deux frères, tous trois se fiant à Fénéon pour composer les numéros. Le jardin secret d’Alexandre Natanson est Le Cri de Paris qu’il pilote avec un rédacteur en chef, homme orchestre. Le Cri bénéficie des informations que lui passent les auteurs de la revue et de ses éditions, certains laissant même parfois le directeur commun choisir la destination d’un texte qu’ils lui proposent. » Quant à la tendance du périodique : « Le principe consiste à piquer la curiosité des lecteurs par des potins anonymes sur les personnalités en vue et les petits scandales, dans le style narratif que popularisera Le Canard enchaîné. Le Cri prétend qu’il ne fait pas de politique, mais il aborde bel et bien celle-ci par le côté anecdotique et surtout par l’image. La couverture confiée alternativement à des dessinateurs appréciés, le dessin de mode et les conseils de menus lui donnent un style ‹ people › qui fait passer insidieusement le rouge du bandeau, l’orientation masquée des échos et la charge du dessin dérangeant d’Hermann-Paul déployé sur une double page à l’intérieur. » (Paul-Henri Bourrelier, « L’Engagement des intellectuels et les dessins du Cri de Paris », in : La Revue Blanche et Le Cri de Paris, 2007, pp. 18-19).
La déclaration d’intention publiée dans le premier numéro daté du 31 janvier 1897 met l’accent sur les notions de vérité et d’indépendance :
« Le Cri de Paris
· donne tous les samedis une revue complète des événements de la semaine
· publie des notes sur la vie mondaine de Paris et des autres capitales
· est absolument indépendant, sa devise est :
Tout savoir et tout dire
· ne fait pas de politique de parti ; il dit très exactement les dessous de la vie parlementaire et politique
· a organisé un service de reportage et d’informations qui lui permet de lutter avantageusement avec les grands quotidiens les mieux renseignés de France et de l’étranger
· donne des renseignements spéciaux sur la politique internationale, sur le monde diplomatique et la vie des cours
· publie le compte rendu de tout le mouvement littéraire, dramatique et artistique ; inféodé à aucune école, il dit uniquement la vérité
· s’occupe de tous les sports
· fait la guerre aux abus et compte sur ses lecteurs pour l’aider dans ses campagnes
· ne fait aucune espèce de publicité dans le corps du journal sous quelque forme que ce soit ; la seule publicité admise est celle des annonces
· renseigne ses lecteurs d’une manière indépendante sur le mouvement financier, les coulisses de la bourse et le monde des affaires
· dit la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. »
Cette déclaration sera reprise en 1900 dans le catalogue des Éditions de La Revue blanche.
Le périodique, composé de seize pages – sans compter les pages d’annonces –, paraît le dimanche, au prix de 30 centimes, avec une couverture illustrée le plus souvent par Félix Vallotton, Auguste Roubille ou Henri-Gabriel Ibels et, dans chaque numéro, une double page centrale ornée d’un dessin d’Hermann-Paul. Ainsi que le relève Raymond Bachollet, Le Cri de Paris « […] se fit remarquer en 1898 car c’était l’un des seuls périodiques, avec Le Sifflet d’Ibels, à demander la révision du procès du capitaine Dreyfus injustement condamné en 1894, grâce notamment aux illustrations de Vallotton et d’Hermann-Paul. » (Bachollet, 2003, p. 465). Les dessins publiés sont indépendants des textes, lesquels ne sont pas signés (on compterait parmi les contributeurs Félix Fénéon ainsi que Jules Renard
C’est au deuxième numéro que Félix Vallotton fait son entrée au Cri de Paris. De février 1897 à juin 1902, il en illustrera 78 couvertures, qui lui seront payées entre 50 et 70 francs chacune, et dessinera 54 masques parus sur une année, du 5 juin 1898 au 25 juin 1899. Ces contributions se caractérisent par des dessins de personnages réels ou fictifs représentés le plus souvent en pied.
Les cinq premiers dessins de Vallotton publiés à la une du Cri de Paris du 7 février au 20 juin 1897 figurent des scènes de rue sans titre ni légende et comptant dans la plupart des cas deux personnages. Les six suivants, parus du 28 juillet au 28 novembre en couverture des numéros d’été et d’automne, sont des scènes de plein air en lien avec ces deux saisons. Un marchand de marrons occupe ainsi la couverture du 28 novembre 1897 légendée « – Chaud ! les marrons ! Chaud ! », référence directe aux cris de Paris, appels familiers des marchand·e·s ambulant·e·s parisien·ne·s.
Début 1898, la perspective se tourne vers l’actualité et la mise en page change avec trois couvertures que Vallotton consacre entre le 23 janvier et le 6 mars à l’affaire Dreyfus : L’Âge du papier, En famille, Enfin seuls. S’agissant de la présentation, ce sont, avec Un poker et Oom Paul, les seuls de ses dessins pour Le Cri de Paris à être circonscrits dans un rectangle. Le propos y gagne en force en comparaison des autres dessins, tous flottants.
Jusqu’à la fin de l’année 1900, les thématiques des couvertures dues à Vallotton recouvrent des sujets où la problématique des inégalités des classes sociales transparaît en filigrane (voir [Monsieur, c'est votre Cri de Paris...], Le Long de la route, En route pour l'opéra ! ou encore [Deux enfants apportent des fleurs...]) ou qui sont en rapport étroit avec l’actualité, le plus souvent politique, telles l’affaire Dreyfus, la seconde guerre des Boers (voir Laissez passer la justice de Dieu !, Au secours ! À l'assassin !, Albert Ubu de Galles, L'Europe : Ce n'est rien, on égorge un homme, [Malheur, la paix est déclarée], Oom Paul et Le Départ du vainqueur), la révolte des boxers (voir [Et puis zut à la fin !], [J'entends un bruit de bottes...] et La Gloire militaire) ou encore l’Exposition universelle.
Plus que toute autre publication, Le Cri de Paris offre l’occasion à Vallotton de déployer son talent de dessinateur de presse. Il y varie les solutions stylistiques, procède par indices ou allusions et exploite les subtilités de la langue française dans la relation entre image et texte (titre ou légende). Aussi, le décryptage de ses dessins requiert-il de la part des lectrices et des lecteurs une solide culture générale et un sens aigu de l’observation (voir par exemple À qui le tour, de ces Messieurs ? ?, Ce soir… à dix heures… aux Folies-Bergère… la belle Otero, J’entends un bruit de bottes), ce qui n’est pas l’apanage de tout le monde (sur ce point, voir l’interprétation farfelue d’un critique contemporain du dessin Sauvons Rome et la France).
À partir du 24 avril 1898, cinq couvertures consécutives du Cri de Paris sont chacune illustrées de cinq masques de Vallotton, portraiturant des candidats aux élections législatives de mai 1898. L’idée s’apparente à celle des trombinoscopes des membres du gouvernement publiés dans L’Illustration, Le Monde illustré, etc. À dater du 5 juin 1898, ces couvertures coïncident avec l’apparition de masques dessinés par Vallotton dans le corps du journal. À en croire sa correspondance avec Remy de Gourmont, l’artiste a refusé de fournir des masques simultanément au Mercure de France et au Cri de Paris, exclusivité oblige (sur ce point voir ici). Il a attendu que le premier périodique cesse d’en publier, dès mars 1898, avant d’en livrer au second.
Les quarante premiers masques, parus du 5 juin 1898 au 19 mars 1899 dans le corps du Cri de Paris, illustrent des articles non signés de la rubrique « Les Lettres » (à partir du 16 octobre 1898 « Les Lettres et les arts »). Ils sont dépourvus d’esprit caricatural, mais celui-ci s’exprime dans les textes, portraits caustiques des quarante membres de l’Académie française à fin 1898, lesquels sont raillés dans l’ordre chronologique de leur année d’élection. Ces portraits illustrés d’immortels, tels que l’on nomme les membres de l’Académie française, ne font l’objet d’aucune introduction dans le journal qui pourtant comporte une sous-rubrique intitulée « À l’Académie ». Ils ont en réalité pour but d’épingler un à un les membres de la vénérable institution en raison de leur appartenance, à quelques exceptions près, au camp des antidreyfusards. Mais l’Institut de France n’en est pas quitte pour autant. Une deuxième des cinq académies qu’il abrite, l’Académie des beaux-arts, est brocardée à son tour : entre le 26 mars et le 30 avril 1899 six compositeurs – dont quatre sont alors membres de la section Composition musicale – et du 7 mai au 25 juin 1899 sept peintres et sculpteurs – dont cinq sont membres des sections Peinture et Sculpture.
Après ces 54 masques publiés sur une année, il faut attendre dix-huit mois pour en trouver à nouveau dans Le Cri de Paris, ce dès le 30 décembre 1900. Ces dessins illustrent la rubrique « Peints par eux-mêmes » qui comprend de brefs textes autobiographiques d’écrivains. Alfred Capus est le premier auteur à y figurer, et l’unique à jouir d’un masque inédit. Ceux d’André Messager, René Boylesve, Romain Coolus, Urbain Gohier et André Gide ont en effet tous déjà été publiés dans Le Cri de Paris, La Revue blanche ou Le Livre des masques. Ces cinq reprises constituent de fait les seules contributions de Vallotton au Cri de Paris pour l’année 1901. Entre la couverture du 30 décembre 1900 et celle du 27 avril 1902, l’artiste ne figure plus parmi les contributeurs au journal. Son absence momentanée s’explique sans doute par deux facteurs. D’une part, la publication subit quelques changements : une deuxième série est lancée, sous couverture désormais illustrée en couleur et avec de nouvelles rubriques pour un prix de vente non plus de 30 mais de 15 centimes. D’autre part, la réalisation de 23 lithographies pour la série Crimes et châtiments à paraître dans L’Assiette au beurre le 1er mars 1902, mais consignée à la fin de l’année 1901 dans son Livre de raison et dans son Livre de comptes, représente pour Vallotton une importante charge de travail. L’honoraire de 1’000 francs perçu pour cette commande étant grosso modo équivalent à celui que lui avait rapporté en 1900 l’exécution de 22 dessins pour des couvertures du Cri de Paris, on ne s’étonne guère que Vallotton ait choisi de limiter à L’Assiette au beurre ses contributions de dessinateur de presse en 1901.
Son tout dernier apport au Cri de Paris consiste en la couverture du numéro du 29 juin 1902. Tombé gravement malade en 1901, Alexandre Natanson a vendu son journal, qui change donc de direction dès le numéro du 6 juillet 1902.
En ce qui concerne les réclames dessinées par Vallotton et parues dans Le Cri de Paris, voir Chocolat Kohler et Colin.
1897LRZ
LR 1897 LRZ 322: «dessin p. Cri de Paris» / LC 1897: «dessin p. Cri de Paris 50»
LR 1897 LRZ 334: «dessins Cri de Paris» / LC 1897: «dessin Cri de Paris 50»
LR 1897 LRZ 341: «Dessins Cri de Paris et Rev. blanche» / LC 1897: «Dessin Cri de Paris 50»
LR non cité / LC 1897: «Dessins Cri de Paris 100»
LR non cité / LC 1897: «Dessins Cri de Paris 150»
LR non cité / LC 1897: «Dessin Cri de Paris 50»
LR non cité / LC 1897: «Dessin Cri de Paris 50»
LR non cité / LC 1897: «Dessin Cri de Paris 50»
LR 1898 LRZ 364: «Dessins Rire et Cri de Paris» / LC 1898: «Dessin Cri de Paris 50»
LR non cité / LC 1898: «Dessins Cri de Paris 100»
LR non cité / LC 1898: «Dessins Cri de Paris 400»
LR 1898 LRZ 376: «Dessins Mercure. de France. Cri de Paris et Revue blanche.» / LC 1898: «dessins Revue blanche et Cri de Paris (solde au 1er juin) 278»
LR non cité / LC 1898: «Dessin Cri de Paris 70»
LR non cité / LC 1898: «Dessins Cri de Paris 125»
LR non cité / LC 1898: «Dessins Cri de Paris 200»
LR non cité / LC 1898: «dessins Cri de Paris 240»
LR 1899 LRZ 398: «Dessins Cri de Paris» / LC 1899: «Dessins Cri de Paris 195»
LR 1899 LRZ 405: «Dessins Cri de Paris» / LC 1899: «Dessins Cri de Paris 120»
LR non cité / LC 1899: «Dessins Cri de Paris 120»
LR non cité / LC 1899: «Dessins Cri de Paris 125»
LR non cité / LC 1899: «Dessin Cri de Paris 65»
LR non cité / LC 1899: «Dessins Cri de Paris 100»
LR non cité / LC 1899: «Dessins Cri de Paris 285»
LR 1900 LRZ 420: «Dessins Cri de Paris» / LC 1900: «Dessins Cri de Paris 100»
LR non cité / LC 1900: «Dessins Cri de Paris 150»
LR 1900 LRZ 427: «Dessins Cri de Paris» / LC 1900: «Dessins Cri de Paris 100»
LR non cité / LC 1900: «Dessins Cri de Paris 300»
LR 1900 LRZ 439: «Dessins Cri de Paris» / LC 1900: «Dessins Cri de Paris 150»
LR non cité / LC 1901: «Dessins Cri de Paris 50»
LR non cité / LC 1901: «Dessins Cri de Paris 100»
LR 1902 LRZ 491: «Dessins Cri de Paris» / LC 1902: «Six dessins Cri de Paris 300»
Voir fiches liées
St-James, 1979, [p. 8]
Bachollet, 2003, pp. 465–466.
Paul-Henri Bourrelier, «L'engagement des intellectuels et les dessins du Cri de Paris», in: La Revue Blanche et Le Cri de Paris, 2007, pp. 18-19.