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Périodiques

No catalogue 016000

Le Chasseur de chevelures. Moniteur du possible, janvier 1893, première page

Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton (photographie : Jean-Louis Losi)

Droits : Réservés


Le Chasseur de chevelures


Titre

Le Chasseur de chevelures

Sous-titre

Moniteur du possible

Supplément de

Type de périodique
Supplément
Langue·s
Français
Lieu de publication
Paris

Périodicité
Mensuel
Date de début de parution
1893 (Janvier)
Remarques

Après trois numéros parus en 1892, Le Chasseur de chevelures, fondé par Tristan Bernard, intègre La Revue blanche pour une série moderne qui voit le jour le 1er janvier 1893.

Date de fin de parution
1894 (Juillet)
Remarques
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Dates de la collaboration de Félix Vallotton
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Commentaire

Après trois numéros parus en 1892, Le Chasseur de chevelures, fondé par Tristan Bernard, intègre La Revue blanche pour une série moderne qui voit le jour le 1er janvier 1893.

En décembre 1892, La Revue blanche annonce la parution, à partir du 1er janvier 1893, du Chasseur de chevelures, supplément parodique « incorporé matériellement à notre publication, mais intellectuellement autonome » (« Bibliographie », La Revue blanche, décembre 1892, p. 352), incorporation signifiant en l’occurrence une pagination continue. C’est dans Le Chasseur de chevelures que Vallotton publie ses tout premiers masques, ces petites effigies à l’encre de Chine qu’il appelle alors « têtes » dans son Livre de raison, « portraits dessins » dans son Livre de comptes et qui paraissent ainsi dans les pages d’une Revue blanche encore dépourvue d’illustrations in-texte. Après la disparition du Chasseur de chevelures, La Revue blanche perpétuera la veine inaugurée dans son supplément avec la publication de nonante masques de Vallotton entre février 1895 et janvier 1902.

Pour une présentation détaillée du Chasseur de chevelures, nous nous en remettons à Evanghelia Stead et Hélène Védrine :

« Le Chasseur de chevelures est tout d’abord un journal sans images, fondé en janvier 1892 par Tristan Bernard, rédacteur au Chat noir, au journal anarchiste L’Endehors, et ponctuellement à La Revue blanche elle-même. Plus tard, Pierre Veber, chroniqueur du Gil Blas, et lui-même collaborateur à La Revue blanche, se joindra à Bernard. […] Né dans le contexte des attentats anarchistes, et sous-titré ‹ moniteur du possible ›, le journal multiplie les attaques parodiques contre le milieu politique et littéraire. Après trois numéros, il devient en janvier 1893 un supplément de La Revue blanche et propose un avertissement programmatique digne des boniments d’un Rodolphe Salis, attestant de la filiation avec les cabarets de Montmartre. Tristan Bernard et Pierre Veber, nommés respectivement, tels deux cariatides du journalisme, ‹ rédacteur intègre › et ‹ rédacteur vénal ›, puis dans les numéros suivants ‹ informateur du possible › et ‹ déformateur du réel ›, revendiquent ironiquement un ‹ journal bourgeois › […] et se coulent, pour mieux le dynamiter, dans le modèle de la presse populaire. […] Tout en restant en accord avec le contenu idéologique, ce ‹ journal dans la revue › détonne par sa typologie et sa mise en page, qui relèvent à la fois de l’affiche, de l’annonce publique, voire de la presse, par hommage antinomique et contestataire au Moniteur universel. Il se compose de rubriques parodiques, permettant de dénoncer la corruption générale des gouvernements et académies : faux contes, fausses critiques littéraires et artistiques, extraits de faux romans ou de fausses pièces de théâtre, faux faits divers, bons-primes pour décorations officielles, bulletins statistiques de la mortalité des héros de romans, concours de roman-feuilleton, match de sommeil entre Tristan Bernard et Marcel Schwob, parodie de textes célèbres et parodie d’annonces publicitaires, les deux étant parfois mêlés, mais aussi chroniques politiques et judiciaires, correspondances de l’étranger, discours à la Société Amicale des buveurs de la sueur du peuple, fables désagrégeant les discours ministériels. Le principe critique repose sur la contamination des rubriques et des genres : une chronique sportive devient critique parlementaire, une page publicitaire, critique littéraire.

Peu à peu, Le Chasseur intègre d’autres signatures : Jules Renard, avec ses ‹ Cheveux en quatre › en décembre 1893, Romain Coolus, avec ses ‹ Rondelles fantaisistes › en janvier 1894. Il agrégera aussi, subrepticement, l’image. En effet, à cause d’une indisposition de Tristan Bernard, Le Chasseur ne paraîtra pas dans le no 28 de La Revue blanche en février 1894. En revanche, Romain Coolus y introduira pour la première fois son ‹ Petit Tussaud du Rondel ›, une chronique dérivée des ‹ Rondelles fantaisistes ›, rondeaux satiriques qui composent un musée ambigu de célébrités et de monstres. Dans le no 30 d’avril 1894, Le Chasseur de chevelures absorbe le ‹ Petit Tussaud du Rondel › : il sera désormais illustré par des vignettes de Félix Vallotton, ces masques qui se diffuseront dans toute la revue et deviendront célèbres, associés à la plume de Remy de Gourmont. […] Or, c’est au moment où Le Chasseur de chevelures devient illustré […] qu’il préfère se saborder et disparaître. » (Stead et Védrine, 2011, paragraphes 14, 15, 17, 18, 19, 23).

Onze numéros du Chasseur de chevelures sont publiés en 1893 et six en 1894. À partir de janvier 1894, y paraissent des rondels de Romain Coolus (1868-1952), poèmes à forme fixe, construits sur deux rimes et composés de treize vers octosyllabiques répartis en trois quatrains. Avec un titre et une teneur satirique et humoristique, ils saisissent des hommes et des femmes de lettres. D’abord parus nus, ils sont illustrés en avril, mai et juillet 1894 de onze masques de Félix Vallotton, dont certains de type caricatural, ainsi que le relève Clément Dessy : « Chaque personnage est rendu par un rondel évoquant humoristiquement l’œuvre et l’homme, tantôt de manière bienveillante et amicale, tantôt plus acerbe et dénigrante. […] Les illustrations de Vallotton s’inscrivent dans un registre souvent caricatural conformément au texte satirique de Coolus et à l’emplacement dans un supplément humoristique. La brièveté du rondel poétique répond donc au médaillon de Vallotton au point de vue du registre. […] Le régime de l’allusion est ici autant dépendant de la brièveté du portrait que de sa vocation humoristique. […] À partir de la deuxième moitié de l’année 1895, les portraits de Félix Vallotton sortent des pages du Chasseur de chevelures pour investir l’ensemble du numéro dans un registre qui n’est plus humoristique. Les médaillons fournissent désormais la représentation non satirique des écrivains étudiés ou des rédacteurs. » (Dessy, 2015/1, pp. 34-35).

Plus encore que de Tristan Bernard (dont Vallotton illustrera Une Affaire d’or, histoire séquentielle parue dans Le Rire en 1896 et Contes de Pantruche et d’ailleurs en 1897), la collaboration de Vallotton au Chasseur de chevelures est indissociable de Romain Coolus. C’est par l’intermédiaire d’Édouard Vuillard qu’ils se rencontrent fin 1893, autour de la réalisation du portrait xylographié de Coolus (Vallotton et Goerg, 1972, no 132). Plusieurs projets réuniront l’artiste et l’homme de lettres durant quatre ans.

Non illustrés, des rondels de Coolus consacrés au Major Heitner et à Léon Mirman sont publiés en janvier 1894 sous le titre « Rondelles fantaisistes ». En raison d’une indisposition de Tristan Bernard, Le Chasseur de chevelures ne paraît pas en février 1894. C’est dans La Revue blanche que l’on trouve, toujours sans illustration, sous le titre générique « Petit Tussaud du Rondel », sept rondels dédiés à Gaston Deschamps, Alphonse Allais, Georges Courteline, Jules Renard, Marcel Schwob, Willy. « Tussaud » fait référence aux figures de cire de Madame Tussaud.

La livraison d’avril 1894 du Chasseur de chevelures – désormais illustré comme annoncé dans le sommaire de La Revue blanche –, inaugure la formule intitulée « Petit Tussaud du Rondel / par Romain Coolus et Félix Vallotton », où le masque de Vallotton et le rondel de Coolus se partagent une même page. La série débute avec Catulle Mendès, Clovis Hughes, François Coppée et Francisque Sarcey. Elle suscite de la part de Jules Renard la réaction suivante : « Venez donc causer quelque matin. La collaboration de Coolus et Vallotton ne produit pas des effets ordinaires. » (lettre à Romain Coolus, 3 avril 1894, in : Renard, 2009, lettre 381, p. 397). En mai 1894, vient le tour de Leconte de Lisle, Zenaïde Fleuriot, Pierre Loti, Raoul Ponchon suivis, en juillet 1894, dans le dernier numéro du supplément, de Liane de Pougy, Louise Michel, Émile Zola.

L’interruption brusque et inexpliquée du périodique laisse trois masques de Vallotton inédits et non payés : Séverine, Yvette Guilbert et Alphonse de Rothschild.

Dans le prolongement de la collaboration introduite dans Le Chasseur de chevelures, un projet éditorial se dessine entre Coolus, Vallotton et l’éditeur André Marty (1857-1928), directeur de L’Estampe originale, avec qui Vallotton a collaboré à plusieurs reprises. Adressées à Marty et écrites entre août et octobre 1894, cinq lettres de Vallotton (Lausanne, Fondation Félix Vallotton) et deux de Coolus (Los Angeles, Getty Research Institute, Letters and manuscripts received by André Marty), nous informent sur l’évolution puis l’abandon de l’entreprise : « Je viens de rentrer de la campagne, et mon ami Coolus m’a parlé d’une idée que vous auriez, relative à une collaboration de nos deux moyens », écrit Vallotton à Marty en août 1894. Dans une autre lettre (non datée), il précise : « Je dessine et grave douze portraits qui y constitueront mon apport ; j’estime ce travail à 500 […]. Coolus livre ses rondels dans les mêmes conditions, et vous, vous vous chargez des frais matériels de l’entreprise à concurrence de la même somme. » Des différends d’ordre financier auront raison du projet. Le 18 octobre 1894, Coolus écrit à Marty : « Votre aimable lettre m’a fait regretter de cesser si vite des relations qui, je n’en doute pas, eussent été des plus agréables. Mais nous sommes gens de revue et ainsi que Vallotton vous en assurera, prêts à recommencer autre chose dans des conditions moins aléatoires. […] En ce qui me concerne (mais j’avoue mon travail moins absorbant et moins pénible que celui de Vallotton) j’avais déjà fait la plupart des rondels que nous avions arrêtés en commun. Enfin tout cela se retrouvera. » Quant à Vallotton, il annonce à Marty dans une lettre non datée : « J’ai disposé des bois et les continuerai en série chez Joly, ce sera une publication très ordinaire et à très bas prix. »

Il s’agit de la série Portraits choisis éditée en 1894 et 1895 chez Louis Joly, qui a travaillé plusieurs fois avec Vallotton entre 1892 et 1895. Elle est composée de onze portraits gravés sur bois en 1894 pour le projet éditorial décrit ci-dessus, ceux de Louise Michel, Clovis Hugues, Édouard Drumont, Henri Rochefort, Séverine, Alphonse de Rotschild, Jean Mounet-Sully, Yvette Guilbert, Georges Clemenceau, Ferdinand Brunetière, Jules Émile Péan (Vallotton et Goerg, 1972, nos 150 à 160). Certains d’entre eux – Louise Michel, Séverine et Alphonse de Rotschild – sont formellement très proches des masques dessinés pour Le Chasseur de chevelures. Le feuillet explicatif accompagnant chaque portrait indique : « En vente chez L. Joly, 19, Quai Saint-Michel, Paris / Portraits choisis / gravés sur bois / par F. Vallotton / tirés par report lithographique / Prix : 25 centimes / Il est tiré à part 50 exemplaires sur le bois original, signés par l’artiste au Prix de 1 fr. 50 chaque. »

Katia Poletti

Illustrations liées

Image de comparaison
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Livre de raison

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Livre de comptes

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Honoraires
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Bibliographie

Paul-Henri Bourrelier, « Le Chasseur de chevelures », in: Bourrelier, 2007, pp. 460-475

Stead et Védrine, 2011

Dessy, 2015/1, pp. 34-36


Liens
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