No catalogue 017000
Billet d'enterrement (Encadrement pour André Marty)
Billet d'enterrement (Encadrement pour André Marty)
De 1893 à 1897, Vallotton collabore activement dans divers domaines avec l’éditeur d’estampes, marchand et imprimeur André Marty (1857-1928), surtout connu pour sa prestigieuse série d’albums de gravures L’Estampe originale et pour sa galerie d’objets décoratifs L’Artisan moderne. Son activité, qui a inspiré Siegfried Bing pour L’Art Nouveau, comprend également des aspects moins connus, liés aux « arts d’impression », comme il les désigne en sous-titre de sa revue mensuelle L’Estampe originale (fig. A), dont on ne connaît que le numéro de juillet 1896. La déclaration d’intention en page une informe sur les ambitions de Marty : « L’accueil fait dès 1893 à nos albums de gravures, qui les premiers définitivement établirent la préséance des estampes originales sur les estampes de reproduction, nous encourage aujourd’hui à ne plus limiter à la seule gravure d’art notre guerre à la routine et à consacrer indistinctement à tous les modes d’impression nos efforts vers le progrès. » C’est dans cet esprit d’ouverture aux « modes d’impression » que Vallotton réalise plusieurs projets pour Marty. Outre les gravures sur bois taillées pour les albums d’estampes, ils incluent la papeterie d’art (voir ici), le graphisme ornemental (voir ici), la typographie (voir ici), ainsi que la décoration (voir ici).
À la suite de Louis Godefroy, en 1932, les auteurs du catalogue raisonné de l’œuvre gravé de Vallotton ont intitulé Lettre de faire-part et faussement daté de 1897 ce billet d’enterrement. Or il n’est autre que l’« Encadrement bois. p. Marty » mentionné dans le Livre de comptes de Vallotton sous l’année 1894 et que Vallotton et Goerg considèrent comme manquant (Vallotton et Goerg, 1972, no 239, p. 270). Le positionnement du cadavre est d’ailleurs le même que dans le tableau peint en 1894 : Le Cadavre (huile sur toile, 68 x 117,3 cm, Musée de Grenoble [Ducrey, 2005, no 160]).
Le titre retenu ici est celui que Vallotton utilise dans une lettre non datée à Marty : « Je suis tout disposé à votre billet d’enterrement mais voudrais vous revoir à ce sujet pour dimensions et détails divers. » (Lausanne, Fondation Félix Vallotton). Le projet ne semble pas très clair à en croire une seconde lettre : « Dites-moi je vous prie exactement ce que vous pensez faire du bois que vous savez, et quels seraient nos intérêts réciproques en l’éventualité de sa publication. […] N’étant pas fixé il m’est impossible de vous donner d’indications de prix et de nombre d’épreuves. – Je crois en tout cas qu’un tirage très restreint et très soigné aurait quelques chances de rapport, quitte après à en faire une émission plus populaire et courante. – Sitôt tout établi de ce côté je vous ferai tenir le bois, et le tirage pourra suivre sans délai. » (Los Angeles, Getty Research Institute, Letters and manuscripts received by André Marty).
Marty prévoyait probablement cet encadrement pour la papeterie d’art de L’Estampe originale (fig. B), qui proposait des « lettres de naissance, de mariage », etc. Les lettres reçues par Marty et conservées au Getty Research Institute de Los Angeles contiennent de précieuses informations sur cet aspect de ses activités. Ainsi François-Rupert Carabin lui commande 200 cartes de visite personnalisées, Hermann-Paul du papier à lettre illustré, Maurice Denis lui confectionne un billet de naissance, Adolphe Willette des menus. Vallotton, pour sa part, délimite au centre de sa composition un cartouche rectangulaire destiné à recevoir du texte imprimé. Comme l’écrit Louis Godefroy, « Ce projet, demeuré inédit, a été tiré à quelques épreuves d’essai, puis à vingt-cinq épreuves timbrées et numérotées. » (Godefroy, 1932, no 180) Ces dernières sont imprimées après la mort de l’artiste (fig. A).
Le billet d’enterrement trouve sa place dans l’intérêt croissant porté à la fin du XIXe siècle aux menus, programmes, faire-part et cartes d’adresse. Léon Maillard, par exemple, consacre un chapitre entier aux billets funéraires dans son ouvrage publié en 1898 : Les Menus & Programmes illustrés. Invitations, billets de faire part, cartes d’adresse, petites estampes, du XVIIe siècle jusqu’à nos jours (voir Maillard, 1898, pp. 125-131).
Monogrammé en bas à droite
1894LRZ198
«Encadrement. grav. s bois»
1894
«Encadrement bois. p. Marty»
Félix Vallotton, Liste des gravures sur bois établie par ordre chronologique, 1891–1898, manuscrit, Lausanne, Fondation Félix Vallotton, sous 1894: «58 encadrement»
Meier-Graefe, 1898, no 55, p. 66 «Encadrement (inédit)»
Godefroy, 1932, no 180 «Lettre de faire-part» [sous 1897, date erronée]
Vallotton et Goerg, 1972, no 183, p. 199 «Lettre de faire-part» [sous 1897, date erronée] et no 239, p. 270 «Encadrement» [sous 1894]