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No catalogue 032000

Frise ornementale (Essai de papier peint pour André Marty)


Titre

Frise ornementale (Essai de papier peint pour André Marty)

Sujet
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Spécifications liées au titre
Attesté par la source

Type d’objet
Art appliqué (papier peint, emballages, timbres-poste)
Statut
Édité
Date
1895 (Après Juillet)
Remarques
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Commentaire

De 1893 à 1897, Vallotton collabore activement dans divers domaines avec l’éditeur d’estampes, marchand et imprimeur André Marty (1857-1928), surtout connu pour sa prestigieuse série d’albums de gravures L’Estampe originale et pour sa galerie d’objets décoratifs L’Artisan moderne. Son activité, qui a inspiré Siegfried Bing pour L’Art Nouveau, comprend également des aspects moins connus, liés aux « arts d’impression », comme il les désigne en sous-titre de sa revue mensuelle L’Estampe originale (fig. A), dont on ne connaît que le numéro de juillet 1896. La déclaration d’intention en page une informe sur les ambitions de Marty : « L’accueil fait dès 1893 à nos albums de gravures, qui les premiers définitivement établirent la préséance des estampes originales sur les estampes de reproduction, nous encourage aujourd’hui à ne plus limiter à la seule gravure d’art notre guerre à la routine et à consacrer indistinctement à tous les modes d’impression nos efforts vers le progrès. » C’est dans cet esprit d’ouverture aux « modes d’impression » que Vallotton réalise plusieurs projets pour Marty. Outre les gravures sur bois taillées pour les albums d’estampes, ils incluent la papeterie d’art (voir ici), le graphisme ornemental (voir ici), la typographie (voir ici), ainsi que la décoration (voir ici).

Un « essai de papier peint pour Marty » est consigné dans le Livre de raison et le Livre de comptes de Vallotton entre juillet et octobre 1895. En avril déjà, le numéro 10 de L’Estampe originale. Revue trimestrielle gratuite de l’édition d’art dirigée par André Marty faisait état d’une frise ornementale en préparation (fig. B) et d’un papier mural de Maurice Denis (fig. C) déjà disponible, présenté comme suit : « Ce papier mural, mis en vente par la Papeterie d’art, est le premier spécimen en France de toute une série de modèles dus [sic] aux plus remarquables décorateurs de notre temps. Ce modèle et les suivants sont exécutés directement en lithographie par l’auteur. Nous voulons, en les présentant au public, réagir avec son aide contre la banalité des simili-cuir, des simili-faïence et des simili-étoffes Louis XV, Louis XVI ou Henri II, seul idéal moderne des fabricants de papier peint. »

Le papier mural de Maurice Denis, lithographié par l’imprimerie Bourgerie et Cie Paris, est orné de voiliers naviguant sur des vagues stylisées. Le 15 juillet 1895, ce « Papier de tenture / vert et blanc ou vert et rose / par Maurice Denis », vendu 2 francs la feuille à la Papeterie d’art d’André Marty, est reproduit dans les pages d’annonces de La Revue blanche. La frise ornementale de Vallotton, elle, n’est identifiée que par l’illustration d’un échantillon dans le seul numéro connu de la revue L’Estampe originale. Revue mensuelle des arts d’impression publiée par Marty (fig. A), celui de juillet 1896. Les dimensions de la feuille (63 x 90 cm) et son prix (1 franc) sont indiqués au-dessus de l’image (« L’ornementation de cette page est un fragment de frise de F. Vallotton. La feuille 63 x 90 : 1 fr. »). Le reste de la page porte une réclame pour Images pour l’École, le programme d’imagerie scolaire de Roger Marx édité par André Marty (sur ce point, voir Catherine Méneux, « Henri Rivière ou le ‹ Puvis de Chavannes du foyer › », in Henri Rivière. Entre impressionnisme et japonisme, cat. exp. sous la direction de Valérie Sueur-Hermel, Paris : Bibliothèque nationale de France, 2009, pp. 43-44).

À en croire Marty, les feuilles de Vallotton devaient être, comme celles de Maurice Denis, lithographiées puis collées les unes à côté des autres. Toutes deux sont pareillement timbrées en marge d’un petit cachet dessiné par Vallotton (voir ici) : « P.P. am no […] » (pour « papier peint André Marty »), suivi du chiffre 1 pour le papier mural de Maurice Denis et du chiffre 2 pour la frise ornementale de Félix Vallotton.

Le 28 juillet 1895 paraît dans L’Art moderne, à Bruxelles, une reproduction du « Papier peint lithographié. Composition de M. Maurice Denis », assortie du commentaire suivant : « M. André Marty, directeur de l’Estampe originale, a eu l’idée de faire imprimer l’un des projets de M. Denis, Les Bateaux, par le procédé lithographique. Il a obtenu ainsi une reproduction absolument fidèle de l’original, chaque feuille se repérant parfaitement avec la suivante. C’est le premier essai de ce genre qui ait été tenté en France. [...] Le papier mural édité par M. Marty est tiré en deux tons sur papier blanc. Chaque feuille a une dimension de 90 centimètres sur 50 et est mise en vente à 2 francs. Nous en publions ci-contre une exacte reproduction. » (n.s., « Papier mural », L’Art moderne, 28 juillet 1895, pp. 237-238).

La diffusion dans la presse de l’époque des reproductions du papier peint de Maurice Denis n’a pas conduit au succès escompté. « De fait, le seul usage finalement connu des Bateaux roses n’est autre que celui que Denis en fit lui-même pour orner les murs de la salle à manger de sa propre maison du 59, rue de Mareil à Saint-Germain-en-Laye », nous apprend Jérémie Cerman en 2012 (Jérémie Cerman, « Les Bateaux roses de Maurice Denis », Nouvelles de l’estampe [En ligne], 238 | 2012, mis en ligne le 15 octobre 2019, note 17).

Peu viable au plan commercial, le projet lancé avec Maurice Denis s’achève prématurément avec la frise de Vallotton. Pourtant conforme à l’esthétique décorative de l’affiche pour L’Art Nouveau de Bing, que Vallotton réalise peu après, le résultat, d’un caractère ornementalo-lugubre, n’a sans doute pas aidé. En 1898, Meier-Graefe évoque avec tact « une frise en papier peint dont l’originalité surprend malgré la simplicité véritable. » (Meier-Graefe, 1898, p. 61).

La tonalité de vert choisie, très proche du vert de Paris ou vert de Schweinfurt, n’est sans doute pas étrangère à l’impression qui se dégage de cette frise ornementale. Responsable d’empoisonnements, ce pigment hautement toxique à base d’arsenic a été employé dans la teinture des vêtements, des tapis, des tissus d’ameublement, ainsi que dans les peintures et encres d’impression des papiers peints. Hypothèse aujourd’hui écartée, on a même suggéré que Napoléon aurait été empoisonné par le papier peint vert qui ornait les murs de sa maison à Sainte-Hélène. Un papier peint qui tue ? Ce n’est point une légende. En 1884, dans son article L’Élevage des enfants. Recherches sur les causes de la mortalité pendant la première enfance, le Dr G.-J. Farcy écrit : « Les murailles ne doivent jamais être tapissées avec des papiers peints en vert, ces papiers contiennent une grande quantité de vert de Scheele (arséniate de cuivre), poison violent qui se répandrait en poussière fine dans l’air de la chambre, de manière à amener de graves dangers, même pour les grandes personnes. Nous en dirons autant des tissus de couleur verte que l’on emploie pour la literie ; on doit rejeter comme aussi dangereux les jouets peints en vert qu’on donne aux enfants lorsqu’ils commencent à avoir de la connaissance, il vaut mieux leur donner des jouets en bois sans être peints. » (Mémoires de la société d’émulation d’Abbeville, Abbeville, Typographie C. Paillart, 1884, p. 67).

Et c’est bien du vert assassin, subtilisé dans le dépôt de la droguerie paternelle, qui est responsable de la mort du jeune Musso, le camarade de Jacques Verdier enfant dans La Vie meurtrière, récit autofictionnel écrit par Vallotton en 1907-1908 : « Un jour que nous procédions tous deux à des fouilles dans ce capharnaüm, Musso, avisant un tonneau plein de poudre verte, me demanda de lui en donner un peu, juste de quoi repeindre une cage qu’il avait et dans quoi s’étiolait un épervier. D’une telle masse, quelques pincées ne se connaîtraient pas ; aussi lui remplis-je une petite boîte en fer-blanc, qu’il mit dans sa poche, bourrée, comme on pense, d’un nombre fabuleux d’autres objets. Au bout d’un instant, Musso, tirant son mouchoir, s’aperçut que de la boîte, insuffisamment fermée sans doute, un peu de couleur s’était répandue, saupoudrant le tout ; il voulut remettre les choses en l’état, mais, pressé par je ne sais quelle sotte idée, je l’en dissuadai, affirmant que cela n’avait aucune espèce d’importance, et qu’il ferait tout aussi bien ce nettoyage une fois chez lui. – Si c’était du poison ? me dit-il. » (Félix Vallotton, La Vie meurtrière, Lausanne, Les Lettres de Lausanne, 1930, p. 33).

La tentation est grande de voir dans cette frise décorative l’expression de l’aversion que Vallotton éprouvait pour les enfants. N’écrit-il pas à Vuillard le 21 septembre 1896 : « Je pense que Bonnard fait des enfants en peinture ; moi je ne puis guère m’y intéresser, ce sont des petites bêtes que leur faiblesse seule empêche de mordre, c’est bien joli cependant, mais j’aime autant les chats, on peut du moins, s’ils vous embêtent leur envoyer des claques sans se faire avaler par les parents. Le cœur de père que vous recelez va bondir Vuillard mais vous êtes bien gentil quand même. » (Paris, Archives Vuillard). Francis Jourdain évoque, lui, « une peur proche de la phobie » (Jourdain, 1953, p. 60). D’où peut-être moult figures d’enfants menaçants ou menacés dans l’œuvre de l’artiste.

Katia Poletti


Illustrateur
Félix Vallotton
Lieu de publication
Paris
Mentions relatives à l’illustration

«L'ornementation de cette page est un fragment de frise de F. Vallotton.»

Maison d’édition
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Imprimeur·s
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Emplacement
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Format
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Composition
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Couleur
Couleur
Notes

La feuille mesure 63 x 90 cm

Prix de vente: 1 franc

Technique de reproduction
Non spécifiée
Gravure/photogravure
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Papier
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Signature

Non monogrammé

Autre·s mention·s sur l’illustration
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Autre·s mention·s en marge de l’illustration
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Remarques
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Images de comparaison

A. L'Estampe originale. Revue mensuelle des arts d'impression, juillet 1896, page 9

Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton (photographie : Jean-Louis Losi)

Droits : Réservés

B. L'Estampe originale. Revue trimestrielle gratuite de l'édition d'art, no 10, avril-juin 1895

Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton (photographie : Jean-Louis Losi)

Droits : Réservés

C. L'Estampe originale. Revue trimestrielle gratuite de l'édition d'art, no 10, avril-juin 1895

Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton (photographie : Jean-Louis Losi)

Droits : Réservés


Livre de raison

1895LRZ270

«Essai de papier peint p. M. Marty»

Livre de comptes

1895

«Essai de papier peint p Marty»

Honoraires
Non spécifié

Bibliographie

Meier-Graefe, 1898, p. 61

Ducrey, 2005, no IX


Reprise·s
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Localisation du document décrit
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Notes
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