Autonome

Il s’agit du deuxième des trois portraits de Mallarmé (1842-1898) par Vallotton, après le masque aux yeux fermés paru en juillet 1895 dans la Revue franco-américaine. Suivra l’illustration publiée en 1896 dans Le Livre des masques. Tous deux ont pour origine le dessin réalisé d’après nature pour The Chap-Book ainsi que l’atteste la correspondance de l’artiste avec Mallarmé.

Comme l’effigie de Zola parue le 15 mai 1895, celle de Mallarmé se découpe sur une tache d’encre. Les deux dessins sont produits à la suite, à en juger par leur mention consécutive dans le Livre de raison de l’artiste. À l’instar des deux autres dessins pour The Chap-Book, le dessin original n’a pas été repéré, probablement jamais revenu de Chicago. Subsiste en revanche un dessin préparatoire (fig. A), sur lequel l’ombre portée de Mallarmé préfigure la tache d’encre qui nimbe le visage dans l’illustration définitive – représentation symbolique d’un glissement de l’homme vers le poète.

Il convient de relever que Portrait of Stéphane Mallarmé est l’unique illustration de ce numéro de The Chap-Book.

Le premier contact de Vallotton avec Mallarmé est indirect : l’artiste donne à l’auteur une xylographie par l’intermédiaire de Félix Fénéon (1861-1944) (fig. B) : « Cher Monsieur Mallarmé, / Voici, de la part de Félix Vallotton, qui demeure rue des Saint-Pères, 60, un Edgar Poe. / C’est dans son numéro de février que la Revue blanche publiera la traduction des lettres. » (Félix Fénéon à Stéphane Mallarmé, [janvier 1895], Stéphane Mallarmé, Correspondance, tome VII, juillet 1894-décembre 1895, Lloyd James Austin et Henri Mondor [éd.], Paris : Gallimard, 1982, p. 127, note 1).

Le numéro de La Revue blanche du 1^er février 1895 comporte des lettres de Poe traduites par Félix Fénéon et accompagnées par un dessin de Vallotton. Il s’ouvre sur le premier de dix articles rédigés par Mallarmé sous le titre « Variations sur un sujet ». Le poète occupe une place centrale au sein de La Revue blanche, qui compte une vingtaine de publications à son nom jusqu’à sa mort en 1898, et entretient des relations avec un grand nombre de collaborateurs (sur ce point, voir « Mallarmé souverain », in : Bourrelier, 2007, pp. 506-526). Paul-Henri Bourrelier l’affirme : « La correspondance montre que l’on s’adresse à lui pour être introduit à La Revue blanche et qu’il oriente vers elle les auteurs qu’il estime intéressants. » (Bourrelier, 2007, p. 514).

Vallotton rencontrera Mallarmé pour exécuter son portrait. Le 25 février 1895, il lui écrit : « Les directeurs du ‹ Chap Book › de Chicago me prient de hâter l’envoi du portrait de vous qu’il désirent donner à leurs lecteurs. – Je ne puis malheureusement vous voir mardi, je suis pris ailleurs ; mais si vous vouliez bien consentir à m’accorder quelques instants le jour et à l’heure qui vous conviendrait, il serait possible de satisfaire ces messieurs qui paraissent pressés. » (Documents, vol. I, p. 126). Le 27 février 1895, Mallarmé lui répond : « Cher Monsieur Vallotton / Je vous réponds un peu du fond d’un rhume cloaqueux, dont ma tête n’émerge pas encore suffisamment pour que je vous l’offre ; mais je suppose que je serai, à la faveur du banquet Goncourt la veille, ratissé, mouché etc. pour la journée de samedi. / Voulez-vous, aux alentours de deux heures, prendre la peine de venir à la maison ; je vous y attendrai. » (Documents, vol. I, p. 125, lettre 63). Le rendez-vous est donc pris pour une séance de pose le samedi 2 mars : « Tous mes remerciements Monsieur et cher Maître pour la promptitude de votre obligeance. Samedi donc à 2h, je m’efforcerai en en abusant le moins possible, de donner corps à notre désir et si possible satisfaction à tous vos admirateurs d’Amérique. » (Félix Vallotton à Stéphane Mallarmé, [28 février 1895], Documents, vol. I, p. 126).

En prévision de l’article de Thadée Natanson (1868-1951) intitulé « Stéphane Mallarmé » à paraître dans La Revue blanche du 15 janvier 1897 (pp. 79-85), Félix Fénéon écrit à Stéphane Mallarmé le 5 janvier 1897 : « Cher Monsieur Mallarmé, / Vous nous feriez grand plaisir. / Voudriez-vous nous faire tenir, ce mercredi même [6 janvier 1897], le portrait, crayon, qu’a fait de vous Vallotton à Valvins ? Nous essayerons de le faire clicher pour l’article imminent de Thadée sur Divagations. » (Stéphane Mallarmé, Correspondance, tome IX, janvier-novembre 1897, Lloyd James Austin et Henri Mondor [éd.], Paris : Gallimard, 1983, p. 36, note 2). Non repéré à ce jour, ce portrait de Mallarmé au crayon dessiné à Valvins (probablement à la fin du mois de novembre 1896, lorsque Vallotton, Mallarmé, Thadée et Misia Natanson s’y sont retrouvé·e·s), ne saurait être une première version du portrait paru dans The Chap-Book, dont on sait qu’il a été exécuté à Paris. L’article de Thadée Natanson paraîtra finalement sans illustration, un dessin au crayon n’étant probablement pas approprié à la reproduction. Rappelons que La Revue blanche ne publiait que des dessins inédits et ne pouvait dès lors reprendre celui présent dans The Chap-Book. Elle le reproduit toutefois – cliché depuis The Chap-Book – en pleine page en quatrième de couverture, dans une annonce du numéro édité à l’occasion de la parution de Divagations dans la Bibliothèque Charpentier de la maison Fasquelle (fig. B).

À l’instar des illustrations parues dans La Revue blanche, ce portrait de Mallarmé a fait l’objet d’un tiré à part produit photomécaniquement (fig. C). (Le motif de l’annonce et du tiré à part ont exactement les mêmes dimensions.)

F. Vallotton

Portrait of Stéphane Mallarmé F. Vallotton [couverture]

1895LRZ249

«Mallarmé. dessin. p Ie Chap book»

1895

«portr dessin Mallarmé pour Chap-Book 35»

Jean-Michel Nectoux, Mallarmé. Un clair regard dans les ténèbres. Peinture, musique, poésie, Paris, Adam Biro, 1998, pp. 110-113

Poletti, 2019, p. 43

En noir dans une annonce parue en quatrième de couverture de La Revue blanche du 15 janvier 1897 (fig. B), puis, en noir toujours, dans les pages d'annonces du périodique belge Le Coq rouge pour une réclame pour La Revue blanche en mars 1897.