En relation avec le texte éponyme (commentaire de Jules Renard)

Trois publicités parodiques occupent la quatrième et dernière page du deuxième numéro de Nib constitué de « Dessins de Félix Vallotton, commentés par Jules Renard » : pour le pétrole de sûreté Saxoléine, pour le parfum Impérial russe de Guerlain et pour le livre de Jules Renard, Poil de Carotte, paru fin 1894. Elles font suite à une publicité parodique pour le chocolat Potin parue en dernière page du premier numéro de Nib par Toulouse-Lautrec et Tristan Bernard (fig.).

Le texte de Renard qui accompagne le dessin de Vallotton est un dialogue mordant entre Poil de Carotte et sa mère Madame Lepic au sujet de la parution récente du livre Poil de Carotte : « MADAME LEPIC. – Quoi ? / POIL DE CAROTTE. – Rien. / MADAME LEPIC. – Si. Je t’en prie. Notre livre va-t-il un peu ? Quelle mine te fait Flammarion. / POIL DE CAROTTE. – Une mine d’or. / MADAME LEPIC. – Et la presse, le public, les amis. / POIL DE CAROTTE. – Je ne suis pas mécontent. On trouve ça neuf, drôle, écrit. / MADAME LEPIC. – Mon pauvre Poil ! qu’est-ce qu’on dira donc quand tu seras mort. »

Ce Poil de Carotte a fait l’objet d’un tirage à part de même format que sa reproduction dans Nib. Exposé du 10 mai au 10 juin 1895 à la Galerie Laffitte sous le numéro XII (« Poil de Carotte, par Vallotton ») dans la section « Publications de La Revue blanche », il se vendait 1 franc.

Le tiré à part est évoqué par Félix Fénéon dans une lettre non datée écrite à André Marty sur papier à en-tête de La Revue blanche : « Voilà, cher Monsieur Marty, les fumés des dessins du ‹ Nib › : celui qui représente une bonne femme et un enfant concerne un livre de J Renard. » (Los Angeles, Getty Research Institute, Letters and manuscripts received by André Marty). Par ‹ fumé ›, Fénéon entend une épreuve isolée, soit un tiré à part, transmis afin d’être reproduit dans d’autres publications.

C’est l’un de ces tirés à part que Jules Renard transmet avec La Mèche, l’un des récits de Poil de Carotte, à Georges Moreau, directeur de la Revue encyclopédique, accompagné de ce commentaire : « Je joins à mon envoi un exemplaire d’un petit Poil de Carotte dessiné par Vallotton et que pour ma part je goûte beaucoup, c’est tout à fait ça » (lettre citée in : Guichard, 1936, p. 153). Le 21 mars 1895, Renard ajoute : « Si vous reproduisez le dessin de Vallotton, voulez-vous ne pas oublier de citer la Revue blanche d’où il est extrait. » (Renard, 2009, lettre 451, p. 446).

Les consignes de Jules Renard seront suivies à la lettre. Le 1^er avril 1895, La Revue (supplément à la Revue encyclopédique n^o 104) publie un article de Charles Maurras intitulé « La Vie littéraire ». Il se conclut par deux paragraphes consacrés à Jules Renard illustrés par le texte et le dessin parus dans Nib, accompagnés de la mention « Supplément de La Revue blanche » et légendés comme suit : « Poil de Carotte ; dessin de Vallotton, commenté par Jules Renard ».

Le 27 février 1895, Renard adresse ce compliment à Vallotton : « Votre Poil de Carotte du Nib (je ne compte pas le reste) a obtenu un gros succès. Merci encore » (Documents, vol. I, lettre 64, p. 126). Ce succès incite Jules Renard ou son éditeur à reproduire le dessin en couverture de Poil de Carotte fraîchement paru. La première édition, publiée chez Flammarion début octobre 1894, sous une couverture jaune et typographique (voir l’exemplaire du dépôt légal daté de 1894 conservé à la Bibliothèque nationale de France) compte alors 43 récits contre 48 pour l’édition définitive de 1902 illustrée par Vallotton. Dans un deuxième temps, et forcément après le 15 février 1895, Flammarion diffuse la même première édition sous une couverture illustrée du dessin de Vallotton (fig. B), ceci probablement afin d’accroître les ventes. Corps du livre et couverture sont à l’époque indépendants, et parfois imprimés chez des imprimeurs différents. Ainsi, le corps du livre de cette première édition est imprimé par Émile Colin-Imprimerie de Lagny ; la couverture typographique, par C. Marpon et E. Flammarion, et la couverture illustrée, par E. Flammarion. Le dessin de Vallotton sera affublé d’un monogramme placé entre Poil de Carotte et Madame Lepic, alors qu’il est non monogrammé dans Nib.

«Dessins de Félix Vallotton, commentés par Jules Renard» (page 2)

Le titre est celui sous lequel le tiré à part a été exposé

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Léon Guichard, «L'illustration des œuvres. Les livres illustrés. Poil de Carotte. Vallotton», in : Guichard, 1936, p. 78–79

Cette illustration a fait l'objet d'un tiré à part, de même format que la reproduction dans Nib, imprimé sur des feuilles de dimensions variables.

Charles Maurras, «La Vie littéraire», La Revue (supplément à Revue encyclopédique n^o 104), 1^er avril 1895, p. 121 («Poil de Carotte; dessin de Vallotton, commenté par Jules Renard»).