No catalogue 090000
Jules Renard, Poil de Carotte, Paris : Ernest Flammarion (Collection des auteurs gais), 1902, page de titre
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
Droits : Réservés
Poil de Carotte
Poil de Carotte
« Avec 50 dessins de F. Vallotton » en première de couverture et en page de titre
Ernest Flammarion, éditeur
Collection des auteurs gais
Une lettre de Jules Renard à Félix Vallotton du 22 octobre 1902 indique que le livre n'est alors pas encore imprimé
Chef-d’œuvre de Jules Renard, Poil de Carotte est constitué d’une série de courts récits autobiographiques, qui racontent, sans ordre chronologique mais avec une subtile ironie, les épisodes d’une enfance malheureuse et les humiliations subies par l’auteur, benjamin d’une fratrie de trois. Les membres de la famille, notamment Madame Lepic, Monsieur Lepic, grand frère Félix et sœur Ernestine y jouent un rôle central.
L’édition définitive de l’ouvrage, augmentée de cinq récits, est parue fin 1902. Elle faisait suite à la publication initiale de 1894, composée de 43 récits et déjà illustrée d’un dessin de Vallotton en couverture (voir ici).
Dans le recueil de nouvelles de Jules Renard Le Vigneron dans sa vigne, publié au Mercure de France en 1901, est annoncé, parmi les ouvrages de l’auteur en préparation « Poil de Carotte, édition illustrée par Steinlen ». L’intention était sans doute d’y reprendre les dessins de Steinlen qui avaient été publiés dans Gil Blas en 1894. Mais c’est finalement Vallotton que Renard sollicite pour ce qui sera leur dernière collaboration. Il lui écrit le 21 juin 1902 : « 1° Est-ce que ça vous amuserait d’illustrer, – en toute liberté* – Poil de Carotte (le roman), pour Flammarion ? / 2° Feriez-vous ce travail pour la rentrée prochaine ? / si oui, voulez-vous vous entendre le plus tôt possible avec Flammarion, qui vous attend. / Votre ami qui serait bien content, / si vous acceptiez / Jules Renard / *Je veux dire : comme il vous plairait. » (Documents, vol. II, lettre 159, p. 69). Vallotton accepte immédiatement, comme en témoigne la réponse de Renard datée du 23 juin : « Je suis très-content. Allez donc voir Flammarion, le matin. Je lui annonce votre visite. Si par hasard, il n’était pas chez lui, demandez à voir Monprofit. C’est son gendre. L’accueil sera le même. / […] / J’ajouterai un ou deux chapitres au volume tel qu’il est. Mais c’est sans importance. Marchez librement. » (Documents, vol. II, lettre 160, p. 70). Le 9 octobre, les dessins sont achevés, à en juger par ces lignes que Renard adresse à Vallotton : « Je n’ai pas pu voir vos dessins hier chez Flammarion. Ils étaient déjà chez le photograveur. / Flammarion est très-content, mais il faudrait bien encore 5 dessins car j’ajoute 5 chapitres. / Pourrez-vous les faire ? / Comme je m’absente jusqu’à lundi soir, je vous fais porter le volume avec les 5 chapitres. / S’il vous plaît de faire les dessins, Flammarion vous attendra, et vous aurez l’obligeance de lui porter le livre avec les dessins. » (Documents, vol. II, lettre 162, p. 71).
Vallotton produit 51 dessins au total. Son Livre de raison et son Livre de comptes en mentionnent seulement 43, nombre qui correspond précisément aux 43 récits de la première édition de 1894. Il leur ajoutera ensuite huit dessins : la couverture, L’Album de Poil de Carotte (dont le texte, déjà inclus dans l’édition de 1894, n’est pas pris en compte dans les 43 récits), un chat placé en cul de lampe à la fin du livre, plus cinq dessins destinés aux cinq chapitres additionnels écrits par Jules Renard (voir les lettres ci-dessus) : Le Pot, La Mie de pain, La Mèche, Lettres choisies de Poil de Carotte à M. Lepic et quelques réponses de M. Lepic à Poil de Carotte, Les Idées personnelles.
Chaque récit est introduit par une illustration circonscrite dans un rectangle, lequel comprend une zone réservée au titre du chapitre, calligraphié par Vallotton et partie intégrante de l’illustration. Le nombre d’illustrations égale le nombre de récits. Chacune d’elles mesure environ 6 x 8 cm, avec de légères variations. Tous les récits débutent sur la page de droite, impaire, et c’est également le cas de toutes les illustrations, à l’exception du cul-de-lampe situé après le mot « FIN » qui se trouve sur la page de gauche.
Dans son étude consacrée à l’illustration des œuvres de Jules Renard, Léon Guichard exprime son admiration pour les dessins de Vallotton : « Mais ce sont avant tout la sobriété, la justesse, la force du trait qui égalent le dessinateur à l’écrivain et rendent leur union précieuse. Les petites dimensions de ces dessins les rapprochent déjà des scènes brèves et des phrases courtes de Renard. [...] Vallotton réussit à disposer, dans un format extrêmement réduit, de nombreux personnages. Tous ces dessins, placés en vignette, ont les mêmes dimensions : huit centimètres sur six ; et cependant quatre personnages y tiennent à l’aise, ainsi que dans une page de Renard. Quelques mots, quelques traits, suffisent à ces deux artistes. C’est que tous deux retranchent sans pitié l’accessoire. Vallotton projette l’éclairage de sa ‹ lanterne sourde › sur les seules parties intéressantes des personnages, qui sont découpés, ou plutôt coupés de la façon la plus saisissante. Tantôt ils n’ont pas de têtes. » (Guichard, 1936, pp. 76-77). Plus loin dans son ouvrage, Guichard analyse et compare les différentes éditions illustrées de Poil de Carotte pour en conclure que les illustrations de Vallotton prévalent : « Seuls peut-être les dessins de Vallotton, par leurs dimensions proportionnées au texte, la précision avec laquelle ils le commentent, la sobriété et la sûreté de leur trait, nous procurent la joie d’une harmonie rare entre l’œuvre et son interprétation. » (Guichard, 1936, pp. 103-104).
Cet ensemble de dessins a été payé 1’000 francs à Vallotton, montant le plus important inscrit à son Livre de comptes en 1902 et égal à la somme perçue en 1901 pour les 23 lithographies du numéro spécial de L’Assiette au beurre, « Crimes et châtiments ». L’année suivante, Vallotton vend tous les dessins originaux pour 275 francs à un certain Monsieur Bosc, qui ne figure ni dans son entourage ni dans celui de Jules Renard. Ils demeurent introuvables à ce jour, contrairement à ceux réalisés pour Les Rassemblements. Des deux cas, il ressort que la conception et l’exécution de dessins de commande dont il reste propriétaire rapporte beaucoup plus à Vallotton que la vente ultérieure de ces mêmes dessins.
En 1907, Calmann-Lévy publie une édition de Poil de Carotte illustrée par Francisque Poulbot. Le 2 décembre 1908, dans une lettre à son ami Isidore Gaujour, Jules Renard fait une comparaison qui apporte par la même occasion une indication sur le tirage de l’édition de 1902 : « Ce qui donne espoir, c’est qu’un livre, comme Poil de Carotte, par exemple, qui, à 3f,50 ne touchait que 4 ou 5 milliers de lecteurs est acheté à 0f,95 par 80’000 lecteurs. Vous voyez l’intérêt ! » (Renard, 2009, lettre 1387, p. 1171). Le succès de l’édition Calmann-Lévy s’explique par son prix modeste. Flammarion a néanmoins continué de publier au moins jusqu’en 1962 le livre illustré par Vallotton. Il est impossible de connaître le nombre d’exemplaires qui en ont été tirés, mais on peut affirmer que les dessins de Vallotton ont bénéficié d’une diffusion étendue sur plus de soixante ans (celui de la couverture a même été repris sur les éditions poche de Flammarion). En résumé, l’édition illustrée par Poulbot se distingue par son très gros tirage, celle illustrée par Vallotton par sa longévité.
Tirage courant sur papier d'édition : nombre d'exemplaires inconnu
Prix de vente : 3.50 francs
Reliure: brochée
Tirage de tête : vingt exemplaires sur papier du Japon numérotés à la presse de 1 à 20
non spécifié
Papier d'édition
1902LRZ496
« 43 dessins p. Poil de Carotte »
1902
« 43 Dessins p. Poil de Carotte (Flammarion.) 1000 »
puis en 1903
« Dessins originaux " Poil de Carotte " vendus à M. Bosc 275 »
Léon Guichard, « L'illustration des œuvres. Les livres illustrés. Poil de Carotte. Vallotton », in : Guichard, 1936, pp. 75–79 [Vallotton est évoqué jusqu'à la page 104]
Hermann, 1996, pp. 379–381
Le livre est consultable sur Gallica.
Édition ordinaire (tirage courant sur papier d'édition)