No catalogue 089000
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
Droits : Réservés
Musica
Musica
Le premier numéro de Femina est publié en octobre 1902
En 1902, Vallotton consigne dans ses livres de raison et de comptes la mention « Couverture Musica » et indique recevoir 100 francs pour son travail, un montant identique aux honoraires perçus l’année précédente pour le titre et la couverture de la revue Femina. Or la couverture du premier numéro de Musica comporte un monogramme difficile à déchiffrer (« CR » ou « CB » au coin inférieur droit de la composition, lequel se retrouve dans les pages de titre intérieures et dans les en-têtes. La nature exacte de l’implication de Vallotton est donc sujette à précaution et, en l’absence de son monogramme et de mention dans l’impressum de la revue, l’analyse stylistique prévaut.
La comparaison avec la composition pour Femina et l’annonce Chocolat Kohler révèle une parenté formelle au niveau de l’encadrement. Un ruban aux nœuds sophistiqués se voit ainsi répliqué, affublé cette fois d’un cadre boisé qui sert de tuteur aux ondoiements prolifiques. Ceux-ci ménagent diverses réserves pour les détails du mensuel musical, indiqués en caractères d’imprimerie. Au centre, un bandeau légèrement bombé semble avoir été laissé vide pour y accueillir les six lettres du titre, vraisemblablement dessinées par Vallotton et agencées selon une même courbe. Plus bas, des extraits de partitions gravées emplissent un large ruban qui passe derrière l’une des photographies du numéro inaugural. Relevons que ce mélange de dessin au trait, de caractères d’imprimerie et de notes musicales gravées est inédit dans les illustrations de Vallotton. Conjugué aux moyens de reproduction photographique, cet ensemble exige plusieurs niveaux de granularité qui doivent coexister au sein d’une même page, ce qui explique peut-être que la couverture soit le fruit d’une collaboration entre Vallotton et une autre personne. À partir de la page 3 de la revue – qui est organisée en quatre parties, « Le Magazine illustré », « L’Album musical », « Un cours d’enseignement musical » et « Le Mois musical » –, on trouve des en-têtes ornementaux et surtout, en guise d’encadrement de la première partie (fig. A), la silhouette d’une lyre qui figurera sur toutes les pages en tant qu’emblème du titre. Ces éléments portent la signature « CR » ou « RC » et se distinguent, en regard de la page de couverture au style vallottonnien, par leur stylisation extrême et planéité linéaire. Ce trait, si peu charnu qu’il ne peut être de Vallotton, se retrouve dans les cadres dessinés pour les photographies, lesquelles sont assemblées telles de polyptiques documentaires et didactiques.
L’éditeur Pierre Lafitte (1872-1938) annonce en effet que Musica – dont l’étymologie latine, signifiant « musique », fait écho à celle de Femina – se veut être « une publication s’adressant à tous les musiciens et à toutes les personnes aimant la musique, aussi bien à l’élite la plus raffinée qu’aux simples curieux d’art, aux maîtres comme à leurs élèves » (Musica, no 1, 1ère année, p. 3). L’illustration photographique fait ici une entrée marquée dans l’économie des revues du tournant du XXe siècle. Le pari de Lafitte sur la photogravure industrielle s’énonce d’ailleurs en ces termes dans les colonnes de la revue, dont le sous-titre est Journal de la musique et des musiciens : « Imprimé sur un admirable papier de luxe et d’après les procédés les plus modernes, où nos lecteurs pourront s’initier par l’illustration photographique aux multiples sujets se rattachant à l’art musical, soit que nous fassions assister nos lectrices et nos lecteurs aux répétitions de l’œuvre qui fera l’actualité du lendemain ; soit que nous racontions par instantané la vie de nos meilleurs compositeurs […] ; soit encore que nous instruisions le public par la photographie aux nombreuses professions ou industries qui doivent à la musique leur existence et leur prospérité » (Ibid.). De fait, Musica est à ce jour une source capitale pour l’iconographie de la création musicale en France et en Europe entre 1902 et 1914, ayant documenté « l’architecture des salles de musique, d’opéras ou des théâtres en plein air » autant que « les intérieurs d’artistes et de compositeurs », « les instruments et leurs méthodes de jeu » aussi bien que « la musique comme source d’inspiration des peintres » (Nectoux, 2007, p. 11).
Il est raisonnable d’imaginer que Lafitte trouve en Vallotton un artiste sensible à la musique et à sa représentation – en témoigne la série de six xylogravures Les Instruments de musique (1896-1897) et les portraits de Beethoven et de Berlioz parus dans Musica (1906). Ce n’est pourtant pas la capacité de ce dernier à transmettre par la gravure ou le dessin l’atmosphère et l’intimité d’un moment musical que Lafitte vient stimuler, mais davantage son sens de la mise en page et de la lettre dessinée. Il confirme ainsi son choix de l’année précédente et confère une continuité stylistique à ses deux revues, Musica devant d’ailleurs « contenir le numéro du jour de FEMINA », selon la mention en tête de couverture. Preuve que Lafitte avait une vision panoramique de son entreprise de presse illustrée et féminine, il ouvre aux côtés du Théâtre Femina un conservatoire « destiné aux amateurs, dotés d’excellents professeurs » et met sur pied « des concours de composition, de chant, de piano… » (Nectoux, 2007, p. 11).
35,7 x 28,6 cm (fascicule fermé)
Non monogrammé
Le titre fait partie intégrante de l'illustration.
1902LRZ492
«Couverture Musica»
1902
«Couverture Musica 100»
Fegdal, 1931, p. 28
Jean-Michel Nectoux, « La base de données Musica, revue illustrée, 1902-1914», in Lettre d'information du RIdIM, no 2, 2007, p. 11-12
Pour le numéro reproduit