No catalogue 081000
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
Droits : Réservés
Femina
Femina
Le premier numéro de Femina est publié le 1er février 1901
Derrière Femina (du latin, « femme »), première revue française dédiée spécifiquement à un lectorat féminin, se trouve un homme de presse ambitieux, Pierre Lafitte (1872-1938). Il n’a pas tout à fait trente ans lorsque paraît le numéro inaugural de Femina pour lequel Félix Vallotton est appelé à dessiner le titre.
La composition ample en première de couverture s’apparente à celle des têtes de chapitre de la Revue franco-américaine (1895, voir Actualités, Échos ou encore Chroniques). Vallotton délimite en effet la page entière – avec un ruban dans le cas de Femina, un encadrement orné dans le cas de la Revue franco-américaine – et laisse de la place dans les deux tiers inférieurs pour une reproduction photographique ainsi que pour les sous-titres de la revue en caractères d’imprimerie. Il applique en cela un sens déjà bien exercé pour la mise en page, cette fois-ci en couverture d’une revue pionnière, et se permet une audace de taille : il écrit le titre exclusivement en minuscules, une première semble-t-il dans l’histoire de la presse illustrée (Fegdal, 1931, p. 28).
Les six lettres paraissent à l’encre bleue sur papier rose, dessinées d’un geste fluide, légèrement penché vers la droite à mesure que le mot amorce une montée dans la même direction. Cette légère diagonale du tracé manuscrit confère au titre à la fois du dynamisme et de la sophistication, des qualités dans lesquelles l’audience féminine est amenée à se reconnaître. Or Vallotton ancre l’envol du titre par une ligne sinueuse qui prolonge le « a » final et revient souligner le mot dans son ensemble pour se nouer in fine au « f » liminaire, une dentelle dont il reproduit les croisements en interrompant çà et là le tracé de la plume. Le geste est ici identique à celui qui prévaut dans le chiffre pour André Marty, am (1895), et la carte publicitaire pour La Maison moderne (1900). Pour les pages intérieures de la revue, Vallotton crée une version plus resserrée du titre, ceint d’un ruban silhouetté en forme de rectangle arrondi. Cette déclinaison vaut alors pour en-tête de pleines pages illustrées et pour logo, placé en dimensions réduites à chaque page du bimensuel.
Le soulignement du mot à partir de la dernière lettre est comparable au cerne qu’applique Vallotton aux portraits masques : ces procédés permettent de marquer le contraste entre le fond et l’image (ou le titre), pour que celle-ci soit instantanément visible et reste longtemps reconnaissable, à la manière d’une marque. Par exemple, la tension entre la forme abstraite et le portrait figuratif à l’œuvre dans Portrait of Stéphane Mallarmé (1895) trouve une résonnance dans le titre pour Femina où apparaît un jeu entre la forme linéaire et la lettre énonciatrice. Avec l’intitulé « femina », la ligne devient lettre et la lettre devient image, dès lors qu’un ruban clair vient se suspendre sur le tracé des caractères au-dessus. Les lacets rythment plus bas la composition entre la table des matières et l’illustration photographique, imprégnés du même effet de silhouette qui distingue les dessins pour En reconnaissance (1899) ou Monsieur Jourdain’s Feast (1902). Surtout, l’encadrement-ruban annonce le style de la réclame Chocolat Kohler (1901) et de la revue Musica (1902), cette dernière étant la revue-sœur de Femina fondée par le même Pierre Lafitte en octobre 1902.
Fort du succès de ses éditions, Lafitte quitte l’Avenue de l’Opéra en 1906 et s’établit dans un hôtel des Champs-Élysées où il ouvre une librairie, un studio de photographie et un théâtre – le Théâtre Femina (Nectoux, 2007, p. 11). La salle hébergera le Théâtre de l’Œuvre de Lugné-Poe entre 1907 et 1911, avant de fermer définitivement en 1929. Dans l’intervalle, les programmes imprimés portent eux aussi la griffe de Vallotton, puisque les titres « Théâtre femina » (1914-1917) et « femina THÉATRE » (1918) reproduisent la graphie du titre initial en première page et dans les pages intérieures. Il s’agit vraisemblablement d’un travail de reprise par une personne tierce et non d’une nouvelle commande, puisqu’aucune trace n’existe à ce propos dans les livres de comptes et de raison. Aussi est-ce là le signe que le titre dessiné de Vallotton devient un emblème à large échelle au sein de la culture parisienne, venant coiffer les initiatives aussi bien éditoriales que théâtrales, susceptible d’être recopié et décliné par d’autres. L’esthétique typographique de la revue restera quant à elle intacte jusqu’à fin 1910, avant que le titre ne subisse une évolution dès janvier 1911 au niveau de la couverture, le soulignement se voyant parfois évacué (voir par exemple Femina, no 311, 1er janvier 1914).
34,7 x 27,8 cm (fascicule fermé)
Non monogrammé
Le titre fait partie intégrante de l'illustration.
1901LRZ457
«Dessin titre Femina»
1901
«Dessin couverture titre Femina 100»
Fegdal, 1931, p. 28
Jean-Michel Nectoux, « La base de données Musica, revue illustrée, 1902-1914», in Lettre d'information du RIdIM, no 2, 2007, p. 11-12
Pour le numéro reproduit