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Julius Meier-Graefe, Félix Vallotton. Biographie des Kuenstlers nebst dem wichtigsten Teil seines bisher publicierten Werkes und einer Anzahl unedierter Originalplatten / Félix Vallotton. Biographie de cet artiste avec la partie la plus importante de son œuvre éditée et différentes gravures originales et nouvelles, Berlin / Paris : J.A. Stargardt / Edmond Sagot, 1898, page de titre illustrée d’une xylographie de Félix Vallotton
Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)
Droits : Réservés
Félix Vallotton
Félix Vallotton
Biographie des Kuenstlers nebst dem wichtigsten Teil seines bisher publicierten Werkes & einer Anzahl unedierter Originalplatten von J. Meier-Graefe
J. A. Stargardt / Edmond Sagot
Le livre fait l’objet d’un compte rendu de Maurice Wirz intitulé « Félix Vallotton », paru le 11 juillet 1898 dans le supplément au no 159 de la Gazette de Lausanne.
La monographie Félix Vallotton rédigée par Julius Meier-Graefe (1867-1935) est une publication bilingue, allemand et français. Elle paraît en début d’été 1898, chez la maison d’édition J. A. Stargardt à Berlin et le libraire et marchand d’art Edmond Sagot à Paris. Vallotton réalise cinq bois gravés spécialement pour cet ouvrage, comme il l’indique dans son Livre de comptes, ainsi que 22 ornements et un dessin pour une page titre, l’ensemble à l’encre de Chine sur papier. Pour ce travail, il est rémunéré 800 francs. La moitié de cette somme lui est remise par l’éditeur J. A. Stargardt en 1897, autour du mois de mai, tel que noté dans son Livre de comptes. L’autre moitié est versée en 1898. Les documents qui sont parvenus jusqu’à nous laissent comprendre que Sagot n’est contacté que très tardivement dans le processus de fabrication du livre. Il ne reste en effet que la partie extérieure à produire, autrement dit : à imprimer la couverture. Sagot s’en charge à la mi-avril 1898, tandis que le bloc de pages intérieures est déjà envoyé à différentes revues en vue de comptes rendus (sur ce point, voir ici). On ignore le sort réservé aux originaux de cette publication, les dessins n’ayant jamais été retournés à Vallotton. On les trouve mentionnés dans une vente aux enchères organisée en 1935 par la maison August Klipstein à Berne, année du décès de Julius Meier-Graefe survenu en Suisse. On peut supposer que les œuvres soient restées en la possession de ce dernier jusqu’alors. La Galerie Vallotton rachète ces dessins lors de la vente et les revend à son tour le 20 juin 1996. Leur localisation actuelle est inconnue. En ce qui concerne l’autoportrait gravé de 1892 reproduit en page de titre, voir ici.
La monographie est divisée en deux parties. La première valorise sur 63 pages le travail artistique de Vallotton produit à cette date. Meier-Graefe débute son analyse par des observations générales sur le rôle de la ligne dans l’art, avant de mettre l’œuvre de l’artiste en perspective avec les débats esthétiques opposant le trait au coloris. Il l’inscrit dans la grande tradition picturale initiée par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) pour ensuite l’en démarquer. Meier-Graefe avance notamment : « En revenant à Ingres Vallotton cherche à reconquérir les mêmes éléments de la peinture. Mais il ne revient pas au temps d’Ingres, il cherche, au contraire, à refondre ces éléments pour leur donner une forme et une expression moderne, afin d’en faire les moteurs des sentiments artistiques qui maintenant s’agitent en nous. » (p. 10). Puis, l’historien de l’art met en évidence les différentes étapes de la création artistique de Vallotton, les lie ponctuellement à sa biographie et en mentionne les thèmes récurrents (comme le portrait et la foule), en accordant une place importante à la description de quelques bois gravés qu’il juge particulièrement représentatifs.
Dans son essai introductif, Meier-Graefe n’oublie pas de rappeler les motivations qui ont présidé à la réalisation de la monographie, la principale étant le constat d’un changement dans le travail de l’artiste : pendant plusieurs années, Vallotton a utilisé la technique de la gravure sur bois comme moyen d’expression. Or depuis peu, proclame Meier-Graefe, il se tourne vers la peinture et l’expose publiquement (concernant ce tournant dans l’œuvre de Vallotton, voir Poletti, 2013, p. 42). De plus, l’historien de l’art allemand est convaincu que l’artiste a épuisé les possibilités techniques de la xylographie. Il écrit ainsi : « […] bien qu’il y ait lieu d’espérer que Vallotton livrera encore mainte planche au public, il lui sera difficile d’ajouter encore beaucoup de notes nouvelles à sa manière, telle qu’elle se manifeste dans ses gravures ; sous les formes les plus multiples il a taillé dans le bois tout ce qui l’émouvait, son œuvre de graveur sur bois forme un tout complêt [sic], elle ne peut que subir un agrandissement numérique. » (p. 11). Cela impose, d’après Meier-Graefe, la nécessité de regarder de plus près ce qui a été produit jusqu’alors et justifie largement la publication d’un catalogue des œuvres « d’un artiste, ayant à peine dépassé la trentaine » (p. 11). Cela n’étant contesté par personne, il convient toutefois de relever que le critique d’art se trompe sur un point – que Vallotton ne puisse par la suite introduire une nouvelle dimension dans sa pratique de graveur. Car les Intimités, « […] cette célèbre suite de dix bois gravés, parue en décembre 1898 aux éditions de La Revue blanche, passe pour l’expression la plus aboutie du style synthétique fondé sur la combinaison d’aplats et d’arabesques inventé par Vallotton […] » (Poletti, 2013, p. 42).
La deuxième partie de la monographie contient le premier catalogue publié des gravures sur bois de Félix Vallotton, à savoir une liste chronologique sur cinq pages des xylographies réalisées jusqu’en 1897. Suivent 52 illustrations hors-texte (les œuvres signalées par un astérisque dans la liste) dont la majorité sont en pleine page. À l’exception des cinq premières xylographies – les portraits de Napoléon Ier, d’Adolph Menzel, de Félix Faure, de la reine Victoria et de l’empereur Guillaume II – présentées comme inédites dans les annonces du livre puisque spécialement gravées pour ce dernier, « […] les dimensions [des autres planches] ont été légèrement réduites pour bien marquer que nous avons affaire à une reproduction des bois originaux par un procédé photographique […] », note Maurice Wirz dans son compte rendu de la monographie paru dans la Gazette de Lausanne le 11 juillet 1898.
Peut-on en conclure que les cinq xylographies réalisées spécialement pour ce projet et reproduites dans le livre en taille réelle (les dimensions des images et celles indiquées par Meier-Graefe en page 63 sont identiques), aussi bien dans l’édition ordinaire que dans l’édition de luxe, sont des tirages originaux ? Nous ne pouvons l’avancer avec certitude, ainsi que le relèvent Maxime Vallotton et Charles Goerg en 1972 déjà, dans le catalogue raisonné de l’œuvre gravé et lithographié de Félix Vallotton (Vallotton et Goerg, 1972, pp. 194-197). Il pourrait s’agir tout aussi bien de reproductions photomécaniques tirées des épreuves de bois gravés, tel que procédé notamment pour la revue américaine The Century Illustrated Monthly Magazine. Cependant, les divers exemplaires du livre consultés présentent de légères différences dans les aplats noirs. De plus, contrairement à la plupart des xylographies de Vallotton, les matrices en bois ne sont pas conservées (Vallotton ne les aurait pas récupérées après les avoir expédiées à Berlin). Ainsi, il reste fort probable qu’il s’agisse de tirages originaux, d’autant plus que ces xylographies ne semblent pas avoir été diffusées sous forme d’estampes, à l’exception de Félix Faure (conservé au Musée d’art et d’histoire de Genève, non signé). Quelques feuilles ont certes circulé, mais il s’agit en réalité de pages détachées du livre, telles que Adolphe Menzel (conservé au Musée d’art et d’histoire de Genève).
La mise en page de la première partie de la monographie est à la fois simple et harmonieuse. Le texte est organisé en deux colonnes et forme de ce fait une masse compacte, sans intertitres, interrompu ça et là uniquement par les vignettes animalières dessinées par Vallotton. L’artiste a réalisé au total dix représentations différentes d’animaux, dont une seule, un petit chien, n’a pas été retenue (voir fig. A, vignette tout en haut à gauche). Les colonnes sont séparées par une marge accueillant un dessin floral qui vient souligner la symétrie de la composition. Sur les pages impaires, les pétales de fleur forment un cercle entourant un visage qui change d’expression au fil du livre (Vallotton propose au total vingt faciès différents, voir fig. A). Sur les pages paires, l’inflorescence de la plante prend la forme d’une grappe à l’extrémité de la tige. La colonne de gauche est à chaque fois réservée au texte allemand, tandis que celle de droite présente le texte français. Les ornements qui entrecoupent les blocs écrits n’ont aucun rapport avec le texte. Leur style rappelle certaines illustrations du Catalogue de l’Exposition internationale du livre moderne à l’art nouveau en 1896. La fonction de ces dessins semble avant tout décorative : ils sont employés pour embellir les pages de l’ouvrage. Au vu de leur taille et de leur emplacement, ils articulent en outre les unités principales du texte qui sont, mis à part cela, uniquement signalées par un retrait et une lettrine.
Ce texte est reconnu aujourd’hui pour être la plus importante étude consacrée à l’ensemble de l’œuvre de Vallotton parue de son vivant. (L’article « La Renaissance de la gravure sur bois. Un néo-xylographe : M. Félix Vallotton » d’Octave Uzanne, publié le 20 janvier 1892 dans L’Art et l’idée, a fortement contribué à faire connaître l’artiste au grand public, moins par son contenu que par la place attribuée à ses bois gravés [sur ce point, voir ici].) Lors de sa parution, le livre fait l’objet de plusieurs comptes rendus. Ceux-ci sont, dans l’ensemble, positifs ; la plupart font l’éloge de l’œuvre gravé de Félix Vallotton et soulignent la modernité tout comme le talent de l’artiste. Dans son numéro 28 du 20 août 1898, La Chronique des arts et de la curiosité : supplément à la Gazette des beaux-arts fait la recension de la monographie et met ainsi en exergue que « […] M. Meier-Graefe étudie un des plus curieux et des mieux doués parmi les jeunes artistes modernes : M. Félix Vallotton. » Et de conclure : « […] la savante et très intéressante étude en allemand et en français que M. Meier-Graefe a consacrée au jeune artiste […] aidera encore à mieux comprendre et à mieux goûter la saveur de ces œuvres d’apparence si sommaires. » (p. 264).
Meier-Graefe est aujourd’hui considéré comme l’historien de l’art ayant le plus contribué au rayonnement de l’œuvre de Félix Vallotton en Allemagne dans les années 1900. Toutefois, nous ne savons que peu de choses sur leur rencontre (voir Ducrey, 1995, pp. 28–30). Dans son Livre de comptes, l’artiste mentionne le nom du critique d’art une première fois en juillet 1895, lorsque ce dernier lui achète la couverture de La Walkyrie de Richard Wagner, réalisée en 1894 au moyen de trois planches de bois gravé (localisation actuelle inconnue [Ducrey, 2005, no VII]). Or, il est fort probable que les deux hommes aient déjà été en contact auparavant par le biais de la revue Pan, dont Meier-Graefe était membre fondateur et co-rédacteur en chef aux côtés de l’écrivain Otto Julius Bierbaum (1865-1910). Vallotton contribue aux deux premiers numéros par un bois gravé (le portrait de Schumann), deux culs-de-lampe (Berichte et Notizen) ainsi qu‘un portrait dessiné de Joris-Karl Huysmans. Par la suite, Meier-Graefe et Vallotton s’impliquent tous deux dans l’Exposition internationale du livre moderne à L’Art Nouveau conçue par Siegfried Bing (1838-1905), le premier comme conseiller artistique de la Galerie l’Art nouveau et organisateur de l’exposition, le second en tant qu’illustrateur et responsable de la conception graphique du catalogue.
Après la sortie de la monographie, Meier-Graefe et Vallotton resteront proches. Dans le cadre de son engagement en faveur de la renaissance des arts appliqués, Julius Meier-Graefe met en lumière les œuvres de l’artiste à plusieurs reprises dans sa revue Dekorative Kunst : notamment les deux objets en marqueterie de bois réalisés en 1896 – La Fillette au chaton, bonbonnière et le Coupe-papier (Ducrey, 2005, nos XI et XII) – que Vallotton présente en décembre 1897 à l’occasion de l’exposition d’art artisanal et d’étrennes de fin d’année organisée par André Marty, directeur de L’Artisan moderne (voir ici), aux Salons du Figaro à Paris, puis à la Galerie Keller et Rainer à Berlin (Y. [Julius Meier-Graefe], « Korrespondenzen. Paris », Dekorative Kunst – Illustrierte Zeitschrift für angewandte Kunst, vol. I, no 3, décembre 1897, pp. 134-135. Voir également le compte rendu du concours de jeu de cartes lancé par la revue L’Art décoratif qui décrit le projet de Douze cartes à jouer de Vallotton (Ducrey, 2005, no XIII) : Y. [Julius Meier-Graefe], « Moderne Spielkarten », Dekorative Kunst – Illustrierte Zeitschrift für angewandte Kunst, vol. III, no 3, décembre 1899, p. 188).
Quant à Vallotton, il œuvrera à plusieurs reprises pour La Maison moderne, magasin d’arts décoratifs que Meier-Graefe ouvrira en novembre 1899 à Paris. Ainsi, il réalise en 1899 un dessin publicitaire et une xylographie, La Symphonie (Vallotton et Goerg, 1972, no 186) pour Germinal, portfolio de vingt estampes originales édité par Meier-Graefe pour lancer sa galerie. En 1901, Vallotton produit neuf dessins, la série « Les Métiers d’art », pour le catalogue publicitaire de la même galerie intitulé Documents sur l’art industriel au vingtième siècle. Enfin, en 1902, l’artiste peint le portrait de Meier-Graefe, dont ne subsiste aujourd’hui que l’étude dessinée (Ducrey, 2005, no 443), « […] hommage à l’admirateur et à l’ami qu’il a trouvé en la personne du promoteur de l’art français d’avant-garde en Allemagne […] » (Ducrey, 2005, vol. II, p. 273).
Tirage courant sur papier d'édition : nombre d'exemplaires inconnu
Tirage de tête : vingt-cinq exemplaires sur japon
Reliure : brochée
Prix de vente : 20 francs (édition ordinaire), 100 francs (édition de tête)
Format : 26,2 x 35,5 cm pour l'édition ordinaire, 28 x 38,4 cm pour l'édition de tête
Papier d'édition
1897LRZ318
LRZ 318 : « Reine Victoria. grav. s bois »
LRZ 319 : « Guillaume II [grav. s bois] »
LRZ 320 : « F. Faure [grav. s bois] »
LRZ 321 : « A. Menzel [grav. s bois] »
LRZ 332 : « Dessins p. Staargardt (ornements) »
1897
« reine Victoria. bois p. M. Stargardt »
« Emp. Guillaume [bois p. M. Stargardt] »
« F. Faure [bois p. M. Stargardt] »
« A. Menzel [bois p. M. Stargardt] »
« dessins d'ornement p M Stargardt 400 »
« Dessins p. Stargardt »
puis en 1898 :
« (reçu de Stargardt p solde) 400 »
Hermann, 1996, p. 384
Ducrey, 1995, pp. 28-31
Maurice Wirz, « Félix Vallotton », Gazette de Lausanne, 11 juillet 1898
Yvanhoé Rambosson, «Publications d'art», Mercure de France, no 103, juillet 1898, p. 289
[s.n.], «Félix Vallotton, von J. Meier-Graefe», La Chronique des arts et de la curiosité : supplément à la Gazette des beaux-arts le 20 août 1898 (no 28, p. 264).
[s.n.], «Reviews of recent Publications. Félix Vallotton: A Biography. By J. Meier-Graefe», The Studio. An Illustrated Magazine of Fine and Applied Art, vol. 14, septembre 1898, p. 291
R.M., « Le Larousse continué. Vallotton (Félix) ; par Meier Graefe », Revue encyclopédique (Paris), deuxième semestre 1898, p. 1092
Fritz von Ostini, « Felix Vallotton und sein Werk », Über Land und Meer. Deutsche illustrierte Zeitung, 1899, tome 84, no 50, pp. 806-806
Le livre est consultable sur Internet Archive.
Édition ordinaire