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Livres

No catalogue 046000

Otto Julius Bierbaum, Die Schlangendame, Berlin : Schuster & Loeffler, 1896, page de titre

Crédit photographique : © Fondation Félix Vallotton / SIK-ISEA (photographie : Philipp Hitz)

Droits : Réservés


Die Schlangendame


Titre

Die Schlangendame

Sous-titre
____
Auteurs-autrices
Otto Julius Bierbaum
Éditeur
____
Mentions relatives à l’illustration

« Mit achtunddreissig Zeichnungen von Félix Vallotton » en page de titre


Type d’ouvrage
Livre
Genre
Récit (comprend romans, nouvelles, autobiographies)
Langue·s
Allemand

Lieu de publication
Berlin
Maison d’édition

Schuster & Loeffler

Collection
____
Date de parution
1896 (Après 21 Juillet)
Type d’édition
Édition originale
Remarques

Une lettre non datée de Otto Julius Bierbaum (1865-1910) à Félix Vallotton, dont le cachet indique le 21 juillet 1896, nous informe que le livre n’est pas encore terminé à cette date.


Commentaire

Die Schlangendame est une satire de la morale sexuelle bourgeoise, laquelle définit les comportements amoureux acceptables et légitimes par des conventions sociales et des normes religieuses. Ce livre raconte l’histoire de Mathilde Holunder, fille de pasteur rebelle devenue contorsionniste dans un cabaret, et de Ewald Brock, fils d’un honorable professeur d’histoire universelle et étudiant en médecine depuis plusieurs années. Ce dernier se consacre aux multiples tentations de sa vie d’étudiant avec une ténacité semblable à celle qui entoure son refus de toutes études sérieuses et régulières.

Par l’entremise d’une connaissance commune, un homme nommé Stilpe (personnage que Bierbaum met en scène dans plusieurs de ses récits [Studenten-Beichten, Stilpe et Pankrazius Graunzer]), les deux protagonistes se rencontrent lors d’un spectacle de variétés à Leipzig. Ils tombent amoureux et mèneront, en cachette, une vie de couple hors mariage, contrevenant aux règles morales de l’époque. Grâce au fidèle dévouement et à la ruse de sa maîtresse, Ewald Brock parvient finalement à terminer ses études et, au moyen d’une ruse, à officialiser sa relation et obtenir le consentement de son père.

Die Schlangendame est le premier ouvrage de Otto Julius Bierbaum pour lequel Félix Vallotton exécute des dessins. Il ne s’agit toutefois pas de leur première collaboration. Par le passé, l’artiste a contribué à un autre projet de l’auteur, la revue Pan, créée en avril 1895 à Berlin par un groupe d’artistes et d’écrivains, dont Otto Julius Bierbaum et Julius Meier-Graefe (1867-1935) étaient les directeurs et rédacteurs en chef. Au total, Vallotton et Bierbaum réalisent ensemble six projets de livres, de façon plus ou moins collaborative : Die Schlangendame, Der Bunte Vogel von 1897, Stilpe, Pankrazius Graunzer, Kaktus und andere Künstlergeschichten et Rakkóx der Billionaer de Paul Scheerbart (1863-1915), qui fait l’objet d’une prépublication dans la revue Die Insel, fondée par Bierbaum, Rudolf Alexander Schröder (1878-1962) et Alfred Walter Heymel (1878-1914) en 1899.

Vallotton fournit 38 dessins pour Die Schlangendame, dont deux bandeaux, dix-huit vignettes et dix-huit culs-de-lampe. La majorité de ces ornements typographiques sont conçus spécifiquement pour la publication, à l’exception des cygnes en forme de bandeau continu et du cul-de-lampe au motif de tête de chouette. Tous deux sont repris du prospectus et du catalogue Exposition internationale du livre moderne à L’Art Nouveau édités par la Galerie de l’Art nouveau de Siegfried Bing (1838-1905) en juin 1896. Dans la plupart des cas, les illustrations de Die Schlangendame côtoient les textes auxquels elles font écho. Elles donnent corps au récit, en faisant référence à un épisode ou à un énoncé bien précis. L’artiste ne propose ni une relecture, ni une interprétation du texte : ne représentant qu’un seul objet ou personnage à la fois, l’image est au service du récit qu’elle illustre et porteuse d’une fonction principalement décorative.

Néanmoins, ces illustrations ne se résument pas à une ornementation stricte. Leur répartition permet de structurer le livre. Les chapitres sont généralement agrémentés de trois images, distribuées de la façon suivante : une vignette en ouverture de chapitre, un bandeau composé de deux éléments différents situés en tête de chaque page, à l’exception des premières pages des chapitres, et une dernière vignette en clôture de la séquence. Tous ces dessins, intégrés dans les pages typographiées, sont flottants, de petite taille, centrés par rapport à l’axe de la colonne de texte et non monogrammés. Le positionnement des images au sein du texte est donc à la fois lié au contenu du récit (fonction illustrative), à une visée décorative (fonction ornementale) ainsi qu’à une stratégie visuelle pour faciliter la lisibilité du livre et l’appréhension de son architecture (fonction structurelle).

Le projet éditorial Die Schlangendame laisse plusieurs questions en suspens. Nous devons notamment nous contenter d’hypothèses au sujet de la collaboration entre Félix Vallotton et l’auteur, la forme de celle-ci et sa rémunération.

En 1896, le Livre de comptes de l’artiste mentionne une somme de 250 francs associée au nom de Bierbaum. S’agit-t-il du salaire perçu pour le projet Die Schlangendame ? Une lettre non datée de Otto Julius Bierbaum, dont le cachet indique le 21 juillet 1896, nous laisse comprendre que l’artiste a reçu cet argent pour un autre travail effectué à la demande de l’écrivain : le livre Der Bunte Vogel von 1897 publié en décembre de la même année (Lausanne, Fondation Félix Vallotton). Dans cette missive, Bierbaum remercie Vallotton pour son envoi qui le ravit, lui assure que ses dessins et les autres documents lui seront retournés aussitôt la reproduction achevée et mentionne quatre épreuves d’un cliché de couverture qu’il devrait prochainement recevoir ainsi que 200 marks, qui correspondent aux 250 francs relevés dans le Livre de comptes (pour les taux de change du franc français, voir l’article [s.n.], « Monnaie et mécanismes monétaires en France de 1878 à 1939 », Revue de l’OFCE, vol. 121, no 2, 2012, pp. 147-203). Cependant, en l’état des connaissances actuelles, la couverture du livre Die Schlangendame ne semble pas avoir été illustrée, contrairement à celle du livre Der Bunte Vogel von 1897. (Les deux vignettes qui figurent sur la première et la quatrième de couverture de l’édition brochée de 1896 sont des reprises du livre et ne peuvent pas être identifiées comme dessins de couverture. La couverture de l’édition reliée de 1896 – que nous avons consultée – n’est pas illustrée.)

Est-ce que la somme de 250 francs reçue en 1896 de la part de Bierbaum aurait recouvert la rémunération des deux livres, soit une couverture, 91 ornements typographiques (dont quinze d’abord parus dans d’autres publications) et cinq portraits ? Cette somme serait mince en comparaison à ces autres commandes. Par exemple, Vallotton est payé, en 1895, entre 20 et 35 francs par portrait dessiné pour les revues Pan ou The Chap-Book, et 5 francs par masque pour La Revue blanche. En 1896, il reçoit 200 francs pour l’illustration du livre La Maîtresse, un projet éditorial pour lequel il livre 28 dessins et une illustration de couverture.

D’autres questions se posent concernant le mode de travail en lui-même : ne parlant pas bien l’allemand, sur quelle base s’appuie Vallotton pour réaliser ses dessins ? Le texte original dans son intégralité, ou travaille-t-il à partir d’une traduction française, complète ou partielle ? De plus, n’ayant pas rencontré l’artiste en personne (lettre du 26 novembre 1896, Lausanne, Fondation Félix Vallotton), est-ce que Bierbaum lui donne des directives précises à respecter et lui fait part d’idées d’ornementation qu’il juge propices à l’histoire ? Est-ce qu’il lui indique les phrases et épisodes exacts qu’il souhaite voir illustrés ou lui laisse-t-il carte blanche ? Nous l’ignorons.

Cela dit, nous constatons que la mise en page du livre Die Schlangendame et son illustration suivent les exigences esthétiques que Otto Julius Bierbaum formule dans ses écrits à propos de la matérialité du livre et ses fioritures. Ainsi, on peut lire en page 210 de son article « Gedanken über Buchausstattung », publié en juillet 1897 dans la revue Zeitschrift für Bücherfreunde, qu’il admire dans les livres de la Renaissance – ou plus tard de style rococo – le fait qu’ils soient « d’une seule coulée » (« Alles aus einem Gusse, alles in einem Zuge! »), que le contenu, la présentation typographique ainsi que le style des vignettes utilisées s’harmonisent parfaitement. Et plus loin, en page 211, l’auteur d’énoncer les règles indispensables à une conception de livre réussie, qui se résument comme suit :

1. Le décor et le contenu d’un livre doivent être similaires, c’est-à-dire liés harmonieusement.

2. Le travail d’illustration est à confier à un artiste soigneusement choisi en fonction du projet. Lorsque la décoration est réalisée par plusieurs personnes, il importe que le style des illustrations soit identique, et assorti aux caractères de la police utilisée.

3. Une image doit faire plus que remplir des espaces. Elle doit toujours jouer un rôle esthétique, voire donner du sens et enrichir un texte.

4. La façon dont les illustrations sont reparties dans un livre doit impérativement suivre une ligne éditoriale, soit rigoureusement symétrique, soit délibérément capricieuse.

Tous ces principes sont pris en considération dans Die Schlangendame. La mise en page est aérée, le texte espacé et dénué d’ornements qui pourraient surcharger la composition. Les bandeaux verticaux dans les marges supérieures soulignent la symétrie du pli du livre et créent de ce fait une unité visuelle au sein de la double page. Dessinés au trait et se distinguant par leur simplicité, les illustrations ne font pas d’ombre à la police Schwabacher utilisée, et sont en adéquation avec l’histoire et l’atmosphère humoristique du livre. Le décor augmente ainsi la valeur esthétique du livre, sans pour autant distraire la lecture.

À l’époque, les avis sur le contenu et le décor du livre divergent fortement. Le critique littéraire Karl Busse loue dans un compte rendu publié en 1897 dans la revue Blätter für literarische Unterhaltung la manière dont se présente Die Schlangendame et la qualifie « de bon goût » (p. 91). Otto Julius Bierbaum, quant à lui, est déçu par la qualité d’impression et le travail réalisé par l’imprimerie Gottfried Pätz, sise à Naumbourg (Saale). Il le fait remarquer dans la lettre du 26 novembre 1896, citée plus haut. Quant à Julius Meier-Graefe, critique d’art allemand et éditeur de différents magazines, connaissance personnelle de Félix Vallotton, il estime dans la monographie qu’il consacre à l’artiste que les illustrations ne sont « pas très réussies » (p. 61). Henri Albert, journaliste attitré et spécialiste de la littérature germanique au Mercure de France, écrit pour sa part : « Dans sa Schlangendame, M. O.-J. Bierbaum continue à suivre la voie qu’il avait inaugurée dans son Pankrazius Graunzer. Cette voie est déplorable et l’on a peine à retrouver sous le style alambiqué de ce nouveau roman qui voudrait être spirituel à toute force, l’admirable poète de la Schwarze Laute et de Schlagende Herzen par exemple, le poète qui a écrit ce vers de toute beauté : ‹ Da wurde meinem Herzen die Sehnsucht gegeben › sur lequel M. Oscar Fried a mis d’aussi sombre, d’aussi douloureuse musique, pleine d’harmonies si belles et si neuves. Maintenant M. Bierbaum en est aux ‹ femmes-serpent ›, il a inventé le ‹ cancan serpentant ›, et quand il emploie le mot ‹ courage ›, il l’écrit ‹ kurasche ›. Pour lui la gaieté française s’arrête à Béranger. (Il est vrai que Goethe, lui aussi, admirait Béranger. Mais Flaubert écrivait : ‹ Il y a des choses qui me font juger les hommes à première vue : l’admiration de Béranger … ›). » (Henri Albert, « Lettres allemandes. Otto Julius Bierbaum : Die Schlangendame », Mercure de France [Série moderne], tome XXII, no 89, 1897, pp. 402-403).

Malgré cette critique acerbe, le livre connaît – en Allemagne – un grand succès et l’éditeur Schuster & Loeffler en réalisera plusieurs éditions.

Nadine Franci

Illustrations liées

Imprimeur·s
Lippert & Co. (G. Pätz'sche Buchdr.), Naumburg a/S.
Dimensions
15,0 x 18,5 cm
Nombre de pages
146
Notes sur l’édition

Tirage courant sur papier d'édition : nombre d'exemplaires inconnu

Tirage de tête : trente exemplaires sur papier vergé (Büttenpapier)

Reliure : brochée et de parchemin

Prix de vente : 2 marks (édition brochée), 3 marks (reliure de parchemin) et 6 marks (édition de tête)


Technique de reproduction des illustrations
Dessin reproduit par procédé photomécanique
Gravure/photogravure

Non spécifié

Papier (pour les illustrations)

Papier d'édition


Image de comparaison
____

Livre de raison

Non cité

Livre de comptes

1896

« Dessins p M Birbaum [sic] 250 »

Honoraires
250 Francs

Bibliographie

Meier-Graefe, 1898, p. 61

Ducrey, 1995, p. 30


Liens

Une retranscription du livre est consultable sur Projekt Gutenberg-DE.


Localisation du document décrit
Lausanne, Fondation Félix Vallotton

Notes
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